Deux journées orientales à Drouot

Après le succès remporté par la collection Dikran Kélékian en juin et octobre dernier, les textiles anciens reviennent sur le devant de la scène. Au programme figure un ensemble de tissus abassides et fatimides constitué par Dickran et Angèle Koumjian, deux universitaires d’origine arménienne passionnés par les cultures méditerranéennes, ainsi qu’une soixantaine de pièces coptes réunies par un peintre français, Jules-Paul Gérard. Embarqué en 1904 pour une expédition auprès de l’archéologue Albert Gayet, il établit pour le compte du musée Guimet des relevés d’architecture et des croquis des objets mis à jour à Antinoë, la capitale de la Thébaïde. C’est ainsi que naît une collection de plusieurs centaines de textiles coptes. Depuis, une partie a intégré les collections du musée Georges Labit de Toulouse tandis que l’autre demeurait dans la famille, transmise tout comme la passion qui l’a engendrée… les petits-fils de Jules-Paul Gérard n’étant autres que Pierre et Dominique Chevalier, expert et galeristes spécialisés dans les textiles anciens. C’est ce second ensemble qui est aujourd’hui mis en vente avec ses simples fragments de bandeaux décoratifs ou de médaillons et ses pièces exceptionnelles par leur rareté, leurs gammes colorées intactes ou leur richesse iconographique, comme un grand panneau polychrome décoré de trois arcatures encadrant des oiseaux affrontés ou un visage surmontant une croix (18 000 €).

Hormis ces collections privées, la vente propose un important bassin en cuivre au décor repoussé et gravé. Bien que sa forme rappelle celle des coupes polylobées en céramique de la région du Khorassan, cette pièce est sans doute d’origine sicilienne. «Grâce aux études menées par les laboratoires des musées anglais, on sait à présent que les œuvres à forte teneur en cuivre sont des pièces de l’Occident musulman. Avec 99% de cuivre, on peut donc être sûr de l’origine occidentale de cet objet», explique Mme Kévorkian, l’expert de la vente. À ce critère technique s’ajoutent les analyses stylistiques. «La figure du souverain entouré d’un serviteur et d’un cornac sur un éléphant, au fond du bassin, est très orientale. Mais la morphologie des créatures mythiques et le répertoire ornemental des parois fait penser à un traitement occidental, qu’il soit espagnol ou italien». Autant d’arguments qui sont corroborés par l’histoire de l’œuvre, même si, comme toute légende, elle doit être maniée avec prudence. «Ce bassin est entré dans la collection familiale en 1909 et on a toujours dit de lui qu’il avait été trouvé en Sicile. Mais, il est évident que dans ce domaine, il n’y a jamais de certitudes. Rien n’empêche un enfouissement tardif loin du lieu de création». Estimée entre 100 000 et 120 000 €, cette pièce rejoindra peut-être une collection muséale. «C’est une des pièces les plus ardues de la vente. Peu de collectionneurs s’intéressent à ce type d’objet de grand format (43cm de diamètre). Par contre, des représentants de certains musées sont déjà venus à plusieurs reprises pour le voir…»