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Expositions

Bilal entre au port

Après Paris et Liège, Enki Bilal fait une escale de trois mois à Cherbourg. L’artothèque choisit de mettre en lumière ses talents de peintre.


Enki Bilal © Christian Desbois Editions 2002
Depuis plusieurs années déjà, l’artothèque de Cherbourg a pris le parti de défendre les arts graphiques et les artistes qui les pratiquent. Après Tapiès et Cueco, Bilal, célèbre pour ses bandes dessinées, révèle aux visiteurs ses talents de peintre. « Exclusivement rattaché au galeriste Christian Desbois depuis 20 ans, Bilal n’avait jamais présenté ses œuvres au public » explique Véronique Liévin commissaire de l’exposition. Ce passage par Cherbourg évoque l’histoire même de l’artiste émigré. Port de transit, Cherbourg joue un rôle important dans l’épopée transatlantique vers les Etats-Unis. « L’artiste donne une place prépondérante au thème du voyage dans ses œuvres comme en témoigne Paquebot ». Né à Belgrade, Bilal arrive à Paris en 1960 et publie son premier album en 1975 : La croisière des oubliés. De la bande dessinée, l’artiste prend goût à la peinture. Ainsi, Bleu sang (1994), livre d’artiste, reprend les personnages de Bioskop ou de Nikopol, tandis que certaines planches rappellent Sarcophage, écrit avec Christin, en référence à Tchernobyl.

Outre le cinéma et la photographie, Bilal associe tous les outils graphiques : graphite, pastel, gouache, feutre, huile et acrylique. Collages et montages font partie de ses techniques de prédilection. « Nous souhaitions mettre en valeur l’image du peintre hors du contexte de la bande-dessinée. Parmi les pièces exposées, 80 originaux et 126 estampes offrent au public un panorama des capacités graphiques de l’artiste yougoslave». Certaines de ces pièces n’ont jamais été montrées au public. L’exposition se veut muséale et non narrative. Les œuvres sont réparties en trois salles. Dans un premier temps, son travail d’éditeur est mis en avant par la déclinaison d’œuvres, de l’image mère à l’affiche finale, comme Tykho Moon( 1997), son second long métrage. De la même manière, les portraits de Jean-Louis Trintignant et Carole Bouquet, tirés de Bunker Palace Hôtel (1989), son premier film, illustrent la genèse graphique de son œuvre cinématographique. Une seconde salle projette une vidéo de l’artiste, élaborant Sommeil du monstre dans son atelier. La muséographie utilise le mobilier de la gare transatlantique : fauteuils et tables en bakélite. La troisième section de cette exposition met en lumière les originaux. « Nous avons respecté la charte graphique de l’artiste en présentant les œuvres sur une bande noire pareille à une pellicule. Ces originaux sont exposés sans vitre protectrice, rendant ainsi directement accessible au visiteur la densité graphique des œuvres ».

L’intérêt de Cherbourg pour Enki Bilal ne s’arrête pas là. « Nous avons en projet la commande publique d’une fresque sur le thème du Transit. Si le lieu et les conditions ne sont pas encore définis, il est probable que l’œuvre sera présentée aux abords de la gare maritime ». Réalisée par l’architecte René Vavasseur, cellle-ci a été inaugurée en 1933. Si son activité a été intense durant la Seconde Guerre mondiale, les combats de 1944 ont entrainé sa destruction partielle. Inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques depuis 1989, ce bâtiment constitue aujourd’hui l'un des derniers vestiges en Europe de l’architecture maritime des années 30.


 Stéphanie Magalhaes
22.02.2002