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Marché

La vengeance du pharaon

Frederick Schultz, un marchand réputé d'antiquités orientales, vient d'être déclaré coupable de trafic d'œuvres d'art par un jury populaire new-yorkais.

Le délibéré du jury a été rendu mardi soir mais la condamnation ne sera prononcée qu'à la fin du mois de mai. Frederick Schultz encourt jusqu’à 5 ans de prison et 250 000 dollars d’amende. L’affaire défraie la chronique depuis quelques années. Durant la décennie 1990, Frederick Schultz a importé illégalement des antiquités de très grande valeur, alors que, depuis 1983, une loi stipule que tous les vestiges mis au jour en Egypte appartiennent à l’Etat. Parmi les objets incriminés figure un buste du pharaon Amenhotep III, qui a été proposé à plusieurs musées avant d’être vendu à un collectionneur privé pour plus d’un million de dollars.

Pour faire sortir les biens d’Egypte, Frederick Schultz se serait prévalu de la collaboration d’un personnage trouble, Jonathan Tokeley-Parry, un trafiquant anglais déjà condamné à une peine de prison ferme. Ce dernier a d’ailleurs été le principal accusateur de Frederick Schultz. Il a affirmé avoir agi sur ses ordres pour maquiller le buste du pharaon et le peindre en noir, comme tant d’objets de pacotille qui n’éveillent pas l’attention des douaniers. Un autre stratagème consistait à attribuer les pièces à une collection britannique imaginaire, constituée dans les années vingt par un inexistant Thomas Alcock…

L’affaire ternit l’image des antiquaires new-yorkais même si Frederick Schultz, qui a été dans le passé président de l'association nationale américaine des marchands d'art oriental, maintient qu’il a été le jouet d’une machination. Mais elle montre surtout la détermination des autorités américaines à punir le commerce illégal d’œuvres d’art, comme le réclamaient les archéologues, à l’encontre de l’avis des musées et des marchands. De façon paradoxale, cette décision ne peut que soulager les antiquaires français qui craignaient, depuis le vote par l’Assemblée nationale de la convention internationale Unidroit, de se trouver dans un système à deux vitesses. Il y aurait eu, d’un côté, les pays signataires, comme l’Italie ou la France, à la merci de demandes de restitution en cascade, avec un marché en contraction ; de l’autre, les pays non signataires et donc moins regardants, comme la Grande-Bretagne, les Etats-Unis ou la Belgique, qui auraient accaparé l’essentiel des transactions. La décision des jurés de New York montre que l’on peut soulever chez les professionnels la même vague d’inquiétude sans avoir à brandir le spectre d’Unidroit…


 Rafael Pic
15.02.2002