| © Shinkenchiku-sha |
La longue patience de Fumihiko MakiLe grand architecte japonais présente ses projets rigoureusement, élégamment modernistes.
L’un des plus grands architectes japonais, Fumihiko Maki, expose actuellement ses travaux à la Maison de la Culture du Japon, quai Branly à Paris. Le parti pris de la scénographie comme des éléments accrochés reflète bien la tempérance de cet architecte septagénaire. Comme pour nombre de ses confrères, Le Corbusier a eu une influence évidente dans sa démarche, mais Maki est sans doute un des rares à développer avec rigueur sa vision de l’architecture moderniste.
Après un diplôme d’architecture obtenu au Japon et un périple étudiant dans les grandes universités américaines, Fumihiko Maki créé son agence à Tokyo en 1965, année de la mort de Le Corbusier. Il a 37 ans. Alors, chargé des références engrangées lors de ses voyages, il choisit d’appliquer à ses projets le principe suivant, hérité des modernes occidentaux : « la forme suit la fonction ». Une manière pour lui d’exprimer tradition et culture japonaises. Sur l’Ile du soleil levant, cela entend un sens de l’éphémère, de la profondeur spatiale, de l’ambivalence entre intérieur et extérieur. Déjà en 1969, à l’origine du projet de Hillside Terrace à Tokyo, il met en œuvre des volumes très purs. Cette opération jalonnera toute sa vie, se poursuivant encore aujourd’hui (sixième phase) : une collaboration entre architecte et client qui dépasse 35 ans, fait rarissime dans l’histoire. Cet ensemble de commerces, bureaux et logements situé dans le quartier Daikanyama a reçu en 1993 le Prince of Wales Urban design Prize, seul prix international qui regroupe les disciplines architecture et urbanisme.
Dans l’écriture architecturale de Maki, on retrouve bien évidemment Corbu, mais aussi Mies van der Rohe (maître du minimalisme, auteur d’ouvrages splendides en acier et en verre et du célèbre adage « less is more »), mais une amorce de l’architecture ultra sensible de la jeune Kazuyo Sejima. Dans l’exposition de la Maison de la Culture du Japon, seuls neuf projets représentatifs de l’œuvre de l’architecte sont exposés, parmi eux les plus récents : le Kirishima International Concert hall, aux allures finlandaises d'Aalto, l’Eglise du Christ de Tokyo dont la grande façade en verre laisse la lumière naturelle remplir la nef unique, ou encore le Crématorium Kaze-no-oka dont le patio rappelle étrangement celui du pavillon barcelonais de Mies van der Rohe. Dans tous ses édifices, Maki retranscrit la notion d’«Oku», une certaine idée de la transparence qui honnit l’opacité absolue tout en préservant des vues directes. La scénographie de l’exposition exprime elle-même ce principe. C’est sur cette subtilité que reposent la qualité des espaces de cet architecte, d’une discrète élégance, équilibre heureux entre identité exprimée de chacun de ses édifices, et le respect des anonymes qui les investissent. Ses derniers projets dessinés, notamment la Vuosaari Tower près d’Helsinki, témoignent de cette attention qui se fait rare dans les villes actuelles.
|