Jacques Goldstein, un peu présent, un peu absent

Il est ici question de minimalisme et de concepts. De show-business aussi, car Jacques Goldstein (né en 1945 à Montréal) vit à Los Angeles. L'industrie du disque et celle du cinéma appartiennent par conséquent à son univers plastique. Le jour du vernissage de l'exposition, l'artiste n'était pas là. La douane l'avait refoulé, à cause de papiers pas en règle. Le catalogue n'était pas prêt et le discours d'inauguration, prononcé par le commissaire, mettait l'accent sur le fait que l'ensemble de l'œuvre se situait «entre la présence et l'absence»...

Dans les dix salles du lieu superbe qu'est le Magasin de Grenoble, on pouvait voir des films, comme The Jump (1978, 26 secondes, présentant une silhouette lumineuse évoluant sur un fond uniformément noir), des disques en vinyle multicolores (1976-1984, sur lesquels était enregistré, par exemple, le bruit du vent dans les branches), des installations (1969-1970) post-surréalistes et post-minimalistes, mêlant des poutres de bois, des épaisseurs de coton ou des plaques de béton et de grands tirages photographiques (1985), représentant des orages célestes ou des éruptions volcaniques. Au total, un ensemble élégant, dont la chronologie évoque moins un art d'invention qu'un regard sur ce qui s'est déjà fait, élégant et poétique.

Insaisissable, l'œuvre de Goldstein nécessite une littérature conséquente pour paraître cohérente. «Il s'agit de définir quelque chose dans l'espace et le temps, de définir notre rapport et notre distance à cette chose», tentait d'expliquer l'artiste, dans une interview publié à Los Angeles en 1977. «La tragédie de l'art moderne», répliquait l'historien Thomas Lawson (dans la revue «Flash Art International», deux ans plus tard), «c'est qu'une connaissance plus approfondie des mécanismes du moi, loin d'entraîner une plus grande liberté, n'a conduit qu'à nous enfermer dans un piège encore plus implacable»... «Que faire de Jack Goldstein ?», se demandait le critique d'art Hal Foster, dans un essai, paru en 1986. Aujourd'hui encore, on se pose cette question. Ce qui est certain, c'est que le Magasin (avec le soutien de la galerie de l'artiste, Daniel Buccholz à Cologne) dresse un excellent bilan de l'ensemble de cet œuvre. À prendre… ou à laisser.