New York, capitale de l'art juif européenLa vitalité des créateurs juifs du Vieux Continent au 19e siècle est restituée au Jewish Museum de New York. Susan T. Goodman nous présente l’exposition.
| Vittorio Corcos (Italie, 1859-1933),
Portrait de Yorik, 1889
huile sur toile, 199 x 138 cm
Museo Civico Giovanni Fattori,
Livourne, Italie |
Pourquoi avoir choisi ce sujet ?
Susan T. Goodman, commissaire d’exposition. Le Jewish Museum de New York possède une vaste collection d’artistes européens juifs du 19e siècle. En outre, c’est un sujet est peu traité. En 1995, nous avions organisé une exposition intitulée «100 ans d’artistes juifs russes». Nous nous sommes alors intéressés à une période allant de 1890 à 1990. Cette exposition est maintenant l’occasion de faire découvrir des artistes peu connus aux Etats-Unis.
| Moritz Daniel Oppenheim,
Charlotte von Rothschild en
mariée, 1836
huile sur toile, 119 x 103 cm
The Israel Museum, Jerusalem |
L’exposition est divisée en deux parties…
Susan T. Goodman. L’idée est de resituer ces artistes dans le contexte dans lequel ils vivaient, dans le monde dont ils ont émergé. Leur œuvre reflète le conflit qu’ils pouvaient ressentir entre le besoin de suivre la tradition juive et celui d’être intégré à la société. Un sentiment que l’on retrouve dans la communauté juive à travers l’Europe entière. Certains artistes, comme Moritz Daniel Oppenheim, évoquent cette dichotomie culturelle. Un de ses tableaux, Le retour des volontaires juifs des guerres de libération auprès de leurs familles vivant toujours dans le respect des traditions anciennes, explore cette double expérience qui englobe la défense de son pays et le retour chez soi un jour de sabbat, sous le regard de sa famille. La deuxième grande thématique de l’exposition illustre la disparition de la culture juive en raison d’un processus d’acculturation. Les artistes présentés appartiennent totalement à la société dans laquelle ils vivent et ne se définissent plus en tant que juifs. On rencontre alors toutes sortes de sujets : des nus, des portraits, des paysages... Jacob Meyer de Haan (1852-1895), par exemple, a quitté son milieu orthodoxe à Amsterdam pour aller vivre une vie d’artiste d'avant-garde en France. Il a travaillé avec Gauguin en Bretagne et fait partie de l’école de Pont-Aven. Broncia Koller-Pinell (1863-1934), une proche de Klimt, a réalisé de très beaux nus et a gagné une certaine considération à Vienne au tournant du siècle.
| Abraham Solomon, Première classe -
La rencontre, 1854
huile sur toile, 69,2 x 96,8 cm
National Gallery of Canada, Ottawa |
Certains artistes restaient-ils en marge de ces deux catégories ?
Susan T. Goodman. En effet, un espace est réservé à des peintres de l’Est apparus un peu plus tard. Le Polonais Maurycy Minkowski (1881-1930), par exemple, décrit des victimes de pogroms dans Après le pogrom. L’artiste était sourd-muet ce qui rend ses œuvres encore plus poignantes. Ses tableaux témoignent de la vie très difficile, à cette époque, pour les juifs dans les pays de l’Est. Enfin, nous consacrons une salle entière à la famille Solomon, Abraham (1824-1862), Rebecca (1832-1886), Simeon (1840-1905) et Solomon J. (1860-1927). Les trois frères ont étudié à la Royal Academy of Art de Londres et Rebecca, qui n’y avait pas été admise en tant que femme, y a exposé régulièrement à partir de 1858. Leur œuvre est la quintessence de l’art victorien...
Solomon a souffert une double oppression, celle d’être juif et celle d’être homosexuel ?
Susan T. Goodman. En effet, et son autoportrait réalisé en 1896 décrit le tourment qui l’habitait. Il s’est représenté de profil, le visage flottant dans la mer...
| Laure Desthieux 04.02.2002 |
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