| L'hôtel Turgot avec, au mur, des dessins du 17e
siècle © Françoise Monnin |
Collectionner, avec passionPour rendre hommage aux collectionneurs hollandais du 18e siècle, la fondation Custodia réunit des dessins exceptionnels, aujourd'hui dispersés dans tout l'Occident.
Juste le dos d'un berger : dessiné au fusain à l'huile, le gilet en peau de mouton de l'homme frémit. L'artiste en a saisi tout le moelleux, et y a emprisonné le souffle du vent, les rayons du soleil, la solitude du modèle... Ce petit trésor, signé Berchem (1620-1683), est l'une des 135 feuilles actuellement présentées. L'ensemble donne le tournis. Ici, une partie de campagne immortalisée par Rubens et un paysage métamorphosé par Rembrandt ; là, un homme, vu par Michel-Ange, et une Vierge, imaginée par Raphaël ; plus loin, des visages de Watteau, des portraits attribués à De Witt, et même une Adoration des Mages, tracée à la pointe d'argent sur un papier préparé vert clair, par la main de Jan Van Eyck...
Les salons de l'Hôtel Turgot, qui abritent habituellement la collection Frits Lugt (réservée aux chercheurs, qui ne peuvent la consulter que sur rendez-vous), constituent un écrin qui sied admirablement à cet ensemble. Carrelage noir et blanc, tentures rouges, lustres lourds, tout est ici aussi intime et précieux que dans les demeures particulières où furent réunis, au 18e siècle, des ensembles de dessins, par des amateurs hollandais éclairés. Ils se nommaient Ploos van Amstel ou Samuel van Huls, vivaient à Amsterdam ou à la Haye, du négoce ou de la politique. Dans leurs portefeuilles, parfois feuilletés entre amis, à la bougie, jusqu'à 15 000 dessins reconstituaient toute l'histoire de l'art de l'Occident. Le catalogue de cette exposition, digne d'une thèse universitaire, confirme le regain d'intérêt que l'on constate actuellement pour les collections particulières. Il est vrai qu'elles demeurent la source des meilleurs fonds publiques et qu'aujourd'hui les connaissances des conservateurs sont encore loin d'égaler, en matière de discernement, la passion des amateurs.
| Françoise Monnin 04.03.2002 |
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