Masques d'ombre

Trente-cinq masques. Trente-cinq visages de bois, sculptés en Côte d'Ivoire occidentale. Deux familles d'esprit : les Dan et les Wé. «Les Dan possèdent un vocabulaire plastique d'un classicisme troublant. Les Wé sont très différents, nettement expressionnistes», explique le jeune Renaud Vanuxem, ethnologue de formation, qui prépare depuis deux ans cet événement. «Je possédais, explique-t-il, un noyau d'œuvres de grande qualité, dont certaines rachetées à des collections privées parisiennes, jamais présentées en public. A partir de ce noyau, j'ai cherché ce qui me manquait».

Résultat ? Un ensemble impressionnant de pièces admirablement sculptées, mesurant quelques centimètres parfois - lorsqu'il s'agit de masques «passeports» - et d'autres fois, à taille plus grande qu'humaine - pièces magiques ou ludiques. Le pedigree de certaines des œuvres excite les amateurs, rassurés de cette manière sur leur ancienneté et leur authenticité. Ainsi ce masque Wé, ayant appartenu au fameux van Bussel, ou cette pièce Dan de la collection Herman (exposée en 1996 à la Royal Academy de Londres).

A 18 heures précises, le jour du vernissage (7 mars), une poignée de ces amateurs, caractérisés par leur discrétion, leurs longs manteaux et leurs fines lunettes, se pressait à la porte de la petite galerie Vanuxem, devenue, depuis son ouverture en 1995, un rendez-vous incontournable des amoureux des arts dits «premiers». Cette fois encore, quelques-unes des œuvres mises en vente se sont envolées en quelques minutes, à des prix oscillant entre 1 220 et 30 490 euros (8 000 et 200 000 FF). Renaud Vanuxem est content. Son frère et associé, Olivier, aussi. Le catalogue que publient ces deux complices, à l'occasion de leur nouvelle exposition, confirme, si besoin en était encore, que voilà l'un des endroits où l'on cause (et où l'on vend) art avec talent.