Paris : l’université au moulin

Voilà trente ans que Paris n’avait pas construit d’université. La dernière opération date de 1973 avec la Tour des architectes Andrault et Parat rue de Tolbiac dans le 13e arrondissement. Il faut dire que le ministère de la Culture et la Ville de Paris entretenaient de sérieux désaccords quant aux réformes de l’enseignement. La mairie n’avait pas adhéré au projet U2000 de Lionel Jospin, alors ministre de l’Education nationale. Contrairement à d’autre grandes villes, Paris n’avait pas eu son lot de facultés. A ceci s’ajoutent les problèmes pathologiques de l’énorme faculté de Jussieu (Paris VI et VII), avec son amiante et sa structure très corrodée. Le projet de Nouvel présenté récemment sur ce site ressemblerait d’ailleurs plutôt à de la poudre jetée aux yeux, les édifices d’Edouard Albert devant subir près de 15 ans de “désintoxication”. Quant à les raser, ce n’est pas possible à cause des mêmes risques. Pourtant, des terrains libres à Paris, il en existe ! A force de bagarres, les responsables de l’université Paris VII ont réussi à obtenir une partie de ceux de la ZAC Masséna qui dépendent de la Semapa (Société d’économie mixte d’aménagement de Paris), au sud de la Bibliothèque François Mitterrand, sur la même rive. Cette ouverture leur permet de proposer l’inscription de la nouvelle université Paris VII-Denis Diderot dans le plan de masse (schéma directeur) concocté depuis cinq ans par l’architecte Christian de Portzamparc.

L’opération est d’envergure. Deux anciens bâtiments existants restructurés et deux nouvelles construction ex nihilo représenteront à terme près de 80 000 m2 de surface pour les étudiants en biologie et physique. En tout, ce sont près de 200 000 m2 qui seront dégagés d’ici 5 ans. Heureusement, les vestiges de l’architecture industrielle encore en place seront conservés, selon la volonté des architectes. Rudy Ricciotti est en charge de la reconversion des anciens Grands Moulins de Paris, superbe bâtisse, en bibliothèque et restaurant universitaire d’ici la rentrée 2004. L’architecte imagine des plateaux évolutifs au sein de l’ancienne minoterie (25,5 millions d'euros de budget prévisionnel pour 36 000 mètres carrés de surface habitable). A côté, Nicolas Michelin et Finn Geipel ont remporté le concours pour le réaménagement de la Halle aux farines et rentrent au forceps dans son enveloppe une enfilade d’amphithéâtres, «un peu comme on construit un bateau dans une bouteille» avec un budget ultra serré (13,2 millions d'euros pour 18 300 mètres carrés). Plus au sud encore, le pôle de biologie dessiné par François Chochon et Laurent Pierre répond fidèlement au principe d’«îlot ouvert» voulu par l’architecte de la ZAC Christian de Portzamparc. Il colle au programme selon une volumétrie moderne et efficace (21,7 millions d'euros pour 13 600 mètres carrés). A côté, le cabinet Chaix et Morel construira d’ici trois ans le pôle physique, un bâtiment dense recouvert de terre cuite et de zinc (16,2 millions d'euros pour 10 7000 mètres carrés).

Enfin, l’école d’architecture de Charenton, ainsi qu’une partie de celle de La Défense (aujourd’hui fermée) et de Paris-la Seine devraient investir un site en bordure du boulevard périphérique et une université de lettres devrait voir le jour sur le campus. En tout près de 20000 étudiants et 4000 enseignants et personnels administratif et technique qui, selon les souhaits de Jack Lang ministre de l’Education nationale, viendront «enrichir et animer ce site». De Jussieu à Masséna, en passant par La Sorbonne, la Salpêtrière et Paris Tolbiac, les facultés et les pôles de recherches devraient revigorer cette zone en jachère de la ville. Reste à tisser des transports, à développer des activités, à bâtir des logements pour accueillir cette population. Et, subsidiairement, à lui trouver des locaux pour la recevoir d’ici là, vu l’état de Jussieu…