BERLIN, 28 fév (AFP) - Qui a jamais rêvé de dormir dans un cercueil, sur un lit volant ou dans une chambre de force capitonnée? L'artiste berlinois Lars Stroschen a décidé de satisfaire les goûts les plus extravagants en créant un hôtel très particulier, sans doute le plus fou de la capitale allemande. Sa devise: "Vivez dans une oeuvre d'art". Depuis trois ans, ce quadragénaire scie, peint, soude, assemble des meubles et aménage les chambres d'une pension vermoulue de Berlin-ouest, jusque-là assoupie dans les vapeurs de naphtaline. De l'extérieur, rien d'extraordinaire: situé dans une rue adjacente au Ku'Damm, les Champs-Elysées berlinois, l'immeuble début de siècle est orné d'une modeste pancarte d'hôtel. Une sonnette révèle le nom volontairement abscons du lieu: "Propeller Island" (sic), "l'Ile aux hélices". L'aventure commence près de la réception, dans la chambre de petit déjeuner : les murs sont verts, ornés de gigantesques photos de plantes tropicales. Des hauts-parleurs gazouillent des cris d'oiseaux tout droit sortis de la jungle.
Un couple se présente à la réception : ils ont le choix entre une vingtaine de chambres qui rivalisent d'excentricité. Dans "Upside down", le lit, les tables de nuit et la lampe à abat-jour rouge sont accrochés... au plafond. Et il faut soulever des trappes dans un sol aux allures de plafond pour découvrir deux fauteuils encastrés et quatre lits. S'ils choisissent la chambre "Thérapie", les hôtes dormiront sur une table d'opération, dans une pièce aux murs blancs et à l'atmosphère aseptisée, à moins qu'ils ne lui préfèrent la chambre de force pour fous furieux, avec ses murs capitonnés de caoutchouc vert. Autre must de l'hôtel : le lit volant, qui semble prendre son essor au-dessus d'un plancher pentu. Il y a aussi la cellule de bagnard ou la "chambre de grand-mère", dans laquelle il faut traverser une vieille armoire magique à la C.S. Lewis pour accéder aux toilettes ou à la salle de bains. Le troisième étage de l'hôtel est encore en chantier et Lars Stroschen y prépare les chambres "pour les clients les plus fous" : celle où les lits sont aménagés dans des cercueils ou celle avec une glace sans tain qui permet de laisser, si on le souhaite, les voisins regarder comme il est bon de dormir dans une cage de tigre...
S'il permet de réaliser toutes sortes de fantasmes, "cet hôtel n'est pas un bordel", se défend l'artiste. "D'ailleurs, ce n'est pas un hôtel et je ne suis pas un hôtelier: c'est plutôt un musée avec possibilités d'hébergement". De fait, la patte de Lars Stroschen est omniprésente. Il a créé de nombreuses bandes-son : on les retrouve dans les chambres, où le client peut choisir différentes "sculptures sonores" pour modifier l'atmosphère de la pièce et admirer quelques toiles abstraites aux couleurs vives. Tous les meubles, du luminaire à l'évier de la salle de bain, sont des créations originales. Du choix des couleurs au plan des pièces, tout a été planifié jusqu'au moindre détail par ordinateur. Souvent, se plaint-il, les autorités sanitaires l'ont obligé, par respect des normes de sécurité draconiennes en vigueur dans l'hôtellerie, à modifier ses plans. Ainsi a-t-il dû renoncer à l'idée d'une chambre où l'on pénètre en rampant dans un labyrinthe: "En cas d'incendie, il faut partout une issue de secours...", soupire-t-il. D'ici à l'été, Lars Stroschen aura achevé les dernières chambres de l'hôtel, louées entre 70 et 115 euros la nuit (15 euro par personne supplémentaire et par chambre), soit entre 60 et 99 dollars . Après, il changera d'occupation : "Je n'ai toujours fait une chose qu'une seule fois dans ma vie. Maintenant, je sais comment on fait un hôtel...".
(Sur internet: www.propeller-island.de)
Par Yann OLLIVIER
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