Après-guerre, Toscane sans lustre…Une série d’expositions présentées dans la région de Florence trace un tableau décevant de deux décennies d'art italien.
| Gino Severini,
L'Age industriel, n° 6,
Palazzo Strozziiovanni
(Museo Pecci)
© ADAGP |
Florence connaît un mauvais moment de son histoire, comme d'ailleurs l'ensemble de la Toscane. La plupart des expositions consistent en une auto-célébration et en une valorisation des artistes du cru, grands et petits. Épiphénomène de la globalisation, ce provincialisme étriqué a pour contrepartie la volonté de s'inscrire dans le grand monde de l'art, en sacrifiant aux rites esthétiques les plus connus et les plus stéréotypés des mouvements internationaux. Cette contradiction se reflète très bien dans la série de manifestations dont l'exposition présentée par Alberto Boatto n'est que le premier volet. Elle trouve sa suite logique dans celle qui a ouvert ses portes au Palazzo Fabroni de Pistoia et qui présente le développement de l'art toscan de 1968 à 1989, sous la direction de Daniel Soutif. La troisième, qui a lieu au Centre pour l'art contemporain Luigi Pecci, sous la férule de Jean-Christophe Ammann, montre ses ultimes développements. Enfin, la dernière montrera le rôle des collectionneurs toscans dans ce contexte à la Fattoria di Celle à Santomanto di Pistoia à partir du 3 juin.
| Luigi Ontani,
Saint Jean l'Evangéliste,
musée Pecci, Prato |
Le parcours proposé par Boatto part d'un présupposé erroné, qui n'est pas de son fait. Les dates choisies correspondent précisément à une sorte de passage à vide de l'art de l'ancien Grand Duché. L'après-guerre est représentée par ses grands maîtres vieillissants, Ardengo Soffici, Gino Severini, Ottone Rosai, Primo Conti (ce dernier, déjà très âgé, a tenté l'expérience de l'art abstrait, non sans originalité et vitalité), et par des œuvres peu passionnantes, même pour la période concernée. La figure emblématique du sculpteur Marino Marini semble être la seule marque de relative nouveauté dans une telle perspective. Puis le visiteur doit passer par le long tunnel de l'art informel et de l'art abstrait lyrique, représenté par de tout petits maîtres, que l'on ne peut comparer à leurs homologues parisiens. Les abstraits «géométriques» ne valent guère mieux, à commencer par Mario Nigro. La véritable renaissance commence avec les interprètes très singuliers du Pop Art, qui en remodèlent les thèmes et les formes. Ainsi Adolfo Natalini, qui se consacrera avec brio à l'architecture, ou Roberto Barni qui développera une œuvre figurative, qui s'est vite distinguée de la transavanguardia et des autres tendances des années 80 avec une belle obstination et beaucoup de talent. Les expériences de poésie visuelle et de mises en scène gestuelles ne sont guère plus excitantes : ce voyage s'arrête là où des personnalités plus fortes et plus créatives se font jour et s'affirment. Florence n'est plus jamais redevenue le centre artistique qu’elle avait été dans la seconde moitié du 19e siècle avec les Macchiaioli et autres rebelles du Caffè Michelangiolo, pendant la grande saison du futurisme au Caffè delle Giubbe Rosse, piazza della Repubblica, ou pendant l'entre deux guerres, lorsque des figures sorties du grand chaudron des avant-gardes ont poursuivi leur chemin solitaire, à commencer par Ottone Rosai. A l'époque où – qu'on le veuille ou non - l'Europe se construit, une vision plus ample s’imposerait.
| Gérard-Georges Lemaire 30.04.2002 |
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