Otto Dix, Nature morte dans l'atelier, 1924, huile sur toile
© Galerie municipale de Stuttgart
Vue de l'exposition
© photo : Françoise Monnin
| | Pygmalion passe le RhinUne exposition munichoise rappelle le mythe antique et la frustration de tout créateur : comment donner vie à la matière ?
A quoi bon être roi de Chypre, si la sculpture que l'on vient de tailler conserve un cœur de pierre ? Telle fut la lamentation de Pygmalion, à qui la déesse Aphrodite donna satisfaction, si l'on en croit notamment le poète Ovide. Inaugurée dimanche dernier, une exposition munichoise, imaginée par la conservatrice Barbara Eschenburg, pose à nouveau la même question. Dans l'étonnante galerie municipale souterraine directement reliée à la station du métro (inaugurée il y a trois ans à proximité de la place royale et des musées de la ville), sculptures, peintures et gravures empruntées aux collections des beaux-arts et des musées d'anatomie racontent le dialogue de l'artiste avec son modèle, en Occident, depuis la Renaissance.
Sobrement présentées, les œuvres défilent selon une organisation rigoureusement pédagogique : d'abord, la question de l'académie. Les images montrent les élèves, dans les ateliers des maîtres - ainsi une superbe gravure du 16e siècle signée par Cort, né à Bruges et mort à Florence -, appliqués à copier des squelettes et à tracer des figures géométriques. Vient ensuite la salle réservée à la fascination pour l'Antique, constituée essentiellement de dessins néo-classiques allemands et d'un très beau Carrache (17e siècle). Puis surgit la figure de Pygmalion, représenté par les baroques alors qu'il supplie la déesse, et par les romantiques (Gérôme, Pygmalion et Galatée, 1892) en train de baiser sa sculpture ; ce faisant, lui donnant la vie. Démiurge, l'artiste ? Oui si l'on en croit le surréaliste Magritte (1898-1967), qu'un autoportrait présente en train d'incarner sa propre femme d'un coup de pinceau, aussi simple que celui d'un peintre d'enseignes.
L'exposition aborde ensuite les thèmes de l'écorché et du mannequin, présents dans tout atelier occidental traditionnel, et enfin la question - trop vite éludée - du trompe-l'œil. Manque certes une ultime salle, évoquant la photographie, le cinéma et le body art. Munich il est vrai s'interroge énormément quant à l'art contemporain. La pinacothèque qui lui est réservée, construite à quelques centaines de mètres de l'exposition consacrée à Pygmalion, devrait être inaugurée en septembre 2002. A suivre, donc.
| Françoise Monnin 15.09.2001 |
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