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Expositions

Van Eyck, le magnifique

Si l'exposition de Bruges ne comporte que dix peintures signées Van Eyck, elle n'en constitue pas moins un événement.


Van Eyck, L'homme au chapeau
bleu
© Photo: Françoise Monnin
Cent-trente-et-une peintures du 15e siècle réunies : l'événement est de taille ! Certes, chacun aurait aimé voir réunie, pour la première fois, la vingtaine de tableaux connus à ce jour signés Jan Van Eyck. Mais le Louvre ne prête pas, la National Gallery de Londres non plus, et moins encore l'église de Gand... Il n'empêche. Pour fêter son statut de «capitale culturelle européenne», la petite cité flamande a constitué un accrochage de très grande qualité, au fil duquel on trouve dix des toiles du maître. Il y a, bien sûr, l'exceptionnelle Vierge à l'Enfant habituellement conservée à Bruges. Mais aussi un splendide et minuscule (19 x 13 cm) Portrait d'homme au chapeau bleu, arrivé de Bucarest, une Annonciation grandiose venue de Washington, des Vierges délicates, en provenance de Dresde, Francfort, La Haye ou Anvers, des portraits époustouflants, prêtés par Vienne, Turin et Detroit. Bref, l'occasion est unique de se pencher sur la touche du plus inhumain des peintres occidentaux. Sa précision, ses lumières, le symbolisme du moindre détail mis en scène, la déclaration d'amour qu'il fait dans chaque image au travail artisanal de l'époque (étoffes précieuses, orfèvrerie raffinée, marqueterie, faïence, vitraux, enluminures...). Tout dans ces œuvres fait état, de façon diaboliquement exact, de la société flamande du 15e siècle, et de sa pensée.


Petrus Christus, La mort de la Vierge,
détail © Photo: Françoise Monnin
Les autres œuvres réunies concernent des artistes ayant travaillé en Italie, en Espagne, au Portugal et dans le Sud de la France, de manière relativement «eyckienne», ainsi que l'explique Hilde Lobelle-Caluwé, conservatrice du musée Memling à Bruges, et auteur d'une partie du catalogue de l'exposition. «La Vierge est descendue sur terre et le monde qui l'entoure est en trois dimensions». Belle leçon d'histoire du début de la Renaissance ! Même si, à ce propos, Léonard de Vinci a écrit «que l'art flamand est bon pour les gens qui passent leur journée à l'église, à prier». En guidant un troupeau de journalistes à travers les œuvres, la spécialiste n'a pu dissimuler son ravissement. Devant un Christ de Douleurs signé Petrus Christus, par exemple, elle a murmuré : «C'est une œuvre enfin... je ne peux pas dire splendide... qui a une grande valeur émotive, liée à son époque, celle de la dévotion moderne, du contact personnel avec la divinité. Une invitation à penser à la passion et à la mort. Une image pieuse, quoi». Merci, Van Eyck, de nous rappeler le rôle sublime de l'œuvre d'art véritable.


 Françoise Monnin
18.03.2002