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La Seine ressuscitéeSous la forme d’un guide érudit et croustillant, Christian Pavillon redonne vie à Paris et à son fleuve.
On ne peut guère reprocher à Christian Pavillon d’écrire un énième guide culturel consacré à Paris. Bien sûr, son format évoque immanquablement les ouvrages de Gallimard, inventés par Pierre Marchand : un livre long, propre à être glissé dans une - grande ! – poche et à être manipulé sans risque grâce une couverture plastifiée. Des plans de situation et des illustrations viennent compléter la vingtaine de circuits consacrés aux différents quartiers qui se développent autour des berges, depuis le quartier de Bercy à l’est jusqu’au parc André Citroën, à l’ouest, situé à l’endroit même où une manufacture de chimie fut rendue célèbre par la production d’une eau destinée au blanchiment de toiles : l’eau de Javel. Sans oublier les incontournables que sont la place de la Concorde, l’île Saint-Louis, le Pont-Neuf… À part cela, «Paris côté Seine» déroge à bon nombre des règles du genre, empêchant l’utilisation du livre comme un réel accompagnement à des promenades mais le rendant d’autant plus délectable.
Le principe est simple. Un érudit, architecte de formation, et ancien responsable de la Direction du Patrimoine, nous invite à redécouvrir Paris, en s’attachant à ce que la réalité quotidienne et mouvante l’emporte sur une vision immuable de la belle capitale. Au détour d’une page où se succèdent l’analyse de monuments célèbres ou méconnus, des citations d’écrivains, d’architectes ou d’historiens, des anecdotes surgissent, permettant de fixer une image de l’histoire et du patrimoine de la ville… Le nom des embarcations naviguant sur la Seine souligne la vie du fleuve avant le règne exclusif des péniches et des bateaux-mouches : les chênières livrant le bois de Lorraine, les lavandières équipées de tentes pour protéger les matériaux fragiles de la pluie, les remorqueurs dits aussi les «touilleurs», le Silure happant les déchets flottant grâce à un tapis roulant ou les bateaux à lessive dont s’équipèrent les corporations de blanchisseries dès la fin du 15e siècle. Une liste des délits perpétrés pendant le temps de l’Exposition universelle de 1900 illustre l’autre versant de la manifestation à succès marquée par la construction du Grand et du Petit Palais ou par l’inauguration de la gare d’Orsay. La description des menus des guinguettes des quais de Bercy, réputées pour leurs matelotes d’anguille, de carpe et de goujon, redonne une animation à ce quartier d’entrepôts vinicoles le long duquel les bateaux d’alcool et de spiritueux déchargeaient. Sans oublier l’histoire d’un comédien français qui pêchait à la pointe de l’île Saint Louis dans les années 1820, installé chaque jour sous la fenêtre d’une riche veuve qui finit par le demander en mariage en déclarant que celui qui pêchait quatre cents heures sans rien attraper ne pouvait que mériter son amour…
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