Le dessin ouvre sa semaine

Il y a douze ans, trois marchands lancent l’idée de créer un salon spécialisé consacré au dessin. «Il y avait Jérôme Fourier, malheureusement disparu aujourd’hui, Pascal Zuber, qui est maintenant chez Christie’s, et Patrick Perrin qui avait un rôle impérial dans cette aventure», se souvient Hervé Aaron, l’actuel président de la Société du dessin. Après trois éditions, ils décident de s’associer à des galeries d’art contemporain au Grand Palais. Jusqu’à un nouveau changement, matériel cette fois-ci : les fameux problèmes de la verrière suivis de l’annulation de toutes les manifestations initialement prévues. Le vrai départ date d’alors. «On nous a proposé une allée au Salon de Mars mais nous avons refusé et avec neuf marchands, nous avons décidé de créer une association, la Société du dessin, pour revenir à l’idée d’origine, celle d’un salon très spécifique». Et faisant face aux critiques, les organisateurs sauront rester fermes. «On nous a traité d’élitistes, de vieux marchands ringards !», poursuit Hervé Aaron. «Mais nous nous sommes aperçus qu’à l’exception de Maastricht ou de la Biennale, les grandes foires généralistes s’essoufflaient. Et notre désir était de ne pas changer. Nous voulions faire venir un maximum de personnes sans niveler par le bas, ouvrir nos portes à de nouveaux collectionneurs mais uniquement en leur montrant des choses de qualité».

Ce travail porte ses fruits. Les membres de l’association invitent progressivement des marchands français et étrangers à les rejoindre dans les salons Hoche. Jusqu’à être 25, cette année, pour couvrir l’ensemble des champs de la création graphique. On trouve des œuvres anciennes de Thomas Williams Fine Art de Londres, des dessins du 19e siècle à la galerie Talabardon & Gautier, des œuvres symbolistes à la galerie Patrick Derom à Bruxelles ou des aquarelles britanniques à la galerie londonienne Agnew’s. En même temps que le salon s’internationalise, il acquièrt une nouvelle dimension. «Il y a quatre ans, nous avons eu l’idée d’organiser un déjeuner pour une quinzaine de représentants de trustees et de musées américains. Depuis, ça a fait boule de neige et le salon est devenu un point de rencontre international pour les amateurs, les collectionneurs ou les conservateurs de musées.»

Pourtant, «le salon est le centre de la semaine du dessin mais il est devenu un petit point au milieu de ces manifestations…» L’initiative de cet évènement revient là aussi aux marchands de la Société du dessin qui ont proposé aux représentants de la Ville de Paris que les musées s’associent à leur démarche. Là aussi, le phénomène a pris de l’ampleur. Cette année, plusieurs musées ouvrent leurs réserves à un petit groupe de visiteurs qui se seront préalablement inscrits : la Bibliothèque nationale ou la Bibliothèque historique de la ville de Paris, les musées Bourdelle, Carnavalet, Condé ou Cognacq-Jay. D’autres organisent des expositions d’arts graphiques. Ainsi, la Fondation Custodia présente des dessins de collections hollandaises du 18e siècle, l’École nationale supérieure des beaux-arts expose 80 estampes maniéristes collectées par Georg Baselitz et le musée Jacquemart-André réunit les plus belles feuilles de la collection Krugier-Poniatowski.

Mais pour être exhaustif, on ne peut manquer de souligner l’ensemble des manifestations qui se déroulent en marge de la semaine officielle. De nombreuses galeries profitent de l’occasion pour présenter des dessins. Pour n’en citer que certaines, on peut évoquer des dessins modernes de Vuillard à Manessier à la galerie Antoine Laurentin, une centaine d’œuvres de Pierre Bonnard provenant de la collection d’Antoine Sapiro à la galerie Aittouarès ou les fusains et pastels d’Armand Paulis à la galerie Chantal Kiener. Quant aux maisons de vente, elles ne sont pas en reste. Le 21, Christie’s dispersera des dessins du 18e siècle acquis par Pierre Decourcelle au début du siècle dernier : dix feuilles estimées à 900 000 €. Le 22, ce sera au tour de Piasa de proposer un ensemble de dessins signés Vasari, Fragonard, Degas ou Hugo. Et le 25, Tajan clôturera la semaine avec un important ensemble de quinze dessins d'Eugène Delacroix…