La photo enflamme ParisLa dispersion de la seconde partie de la collection Jammes, chez Sotheby’s, est un événement attendu de longue date. Négligés il y a peu, Niépce, Le Gray ou Nègre concurrencent désormais les grands noms de la peinture.
| Charles Nègre, Le Stryge,
épreuve positive sur papier
salé, 1853, 325 x 230 mm.
Estimation : avec le négatif
monogrammé, 170 000 -
270 000 € |
La première vente avait fait grand bruit à Londres en octobre1999. C’est à cette occasion qu’une image de Gustave Le Gray, dont deux expositions ouvrent d’ailleurs en ce moment, à la Bibliothèque nationale, à Paris, et au musée Condé, à Chantilly, avait pulvérisé son record : la Vague était emporté à 791 000 euros… «Cette seconde vente soulève un intérêt énorme, souligne l’expert, Philippe Garner. Aux yeux de certains spécialistes, elle est même plus importante que la précédente. Pourquoi a-t-elle lieu à Paris ? Les Jammes voulaient déjà que la première ait lieu ici, ce qui n’était pas possible à l’époque. La conjoncture a fait que nous nous trouvions prêts en même temps que le marché se libéralisait.»
| Charles Nègre, Le joueur d'orgue
de barbarie et deux enfants qui
l'écoutent, avant mai 1853,
épreuve sur papier salé,
206 x 156 mm.
Esti. : 80 000 - 100 000 € |
Le total du produit vendu, sur deux jours, pourrait atteindre 10 millions d’euros, soit un peu moins que le résultat de 1999 (11,5 millions d’euros). Mais la fébrilité qui entoure l’événement et la rareté des lots pourraient aisément ajouter un «premium» à ces estimations. La plus haute concerne – noblesse oblige – le plus ancien document photographique connu : la reproduction par Niépce, en 1825, par le procédé de l’héliogravure, d’une estampe hollandaise du 17e siècle. Préemptée par l’Etat, cette «mère de toutes les photos» est estimée entre 500000 et 750000 euros. Vient ensuite le fonds d’atelier de Charles Nègre. «Nègre a toujours été rarissime sur le marché. C’est dire l’importance de cet ensemble de 292 images.» Le photographe de Grasse a eu la chance de posséder des héritiers consciencieux, qui ont conservé avec soin son patrimoine avant de le céder intégralement à André Jammes à la fin des années cinquante. Son Stryge, qui représente son collègue Henri Le Secq en compagnie des gargouilles de Notre-Dame est devenu une icône (entre 170000 et 270000 euros).
«Il n’existe plus aujourd’hui sur le marché de collection privée comparable à celle que les époux Jammes ont rassemblé à partir de 1955. En dehors de Niépce et Nègre, on peut mettre en avant, parmi les lots, l’album du cercle de Simart ou les œuvres de Regnault. Contrairement à Gustave Le Gray, qui avait un établissement commercial et qui produisait en fait l’art contemporain de son époque, Victor Regnault est un parfait amateur, qui photographiait pour son plaisir Sèvres et les bords de Seine. Avant de commencer, la vente, qui propose aussi des photographies de Baldus, Le Gray et, pour le 20e siècle, de Doisneau, Germain Krull ou Eli Lotar, a déjà battu un record. Les interdictions de sortie, pour raison d’intérêt national, sont tombées en rafales : treize au total. «Nous devons l’interpréter comme un compliment», analyse, avec philosophie, Philippe Garner.
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