| | Le Bel Paese en peintureBien avant le Grand Tour, les artistes italiens se sont attachés à reproduire l’apparence physique de leur pays. Federico Zeri les suit dans leur quête.
Son nom est un mythe. L’homme Zeri était immensément cultivé, avait un œil infaillible, un caractère épineux. Il continue d’alimenter la polémique après sa mort : on se dispute aujourd’hui l’immense bibliothèque de sa villa de Mentana, qui comprend notamment 150 000 clichés en noir et blanc. Sa lecture iconoclaste de l’histoire de l’art avait une vertu socratique, remettant en cause les certitudes. Cet essai a paru en 1976 chez Gilio Einaudi, l’éditeur turinois de gauche, fils d’un président de la République, ami de Cesare Pavese et de Carlo Levi. Il étudie la représentation du paysage italien dans l’art, et les mouvements de pendule qui la régissent : symbolique au Moyen Age, objective - sans grand lendemain – dans le Masaccio de la chapelle Brancacci, idéaliste chez Botticelli, qui ne s’inspire d’aucune topographie particulière, elle obéira au cours des siècles à de nouveaux cycles de ce genre.
L’auteur analyse les noces de la perspective italienne et de la lumière venue des Flandres. Lumière qui se décline en de nombreuses variantes, de celle, «blanche, aveuglante» de Piero della Francesca, à celle du lombard Foppa, «calme et douce». Dans la campagne ou dans la ville, l’homme n’est jamais très loin et son portrait fait partie intégrante du paysage. Le rôle des commanditaires comme les Médicis, l’apport des étrangers comme Bril, Poussin ou Elsheimer, dont certains auront tenté, sans trop de succès, de faire pencher la balance vers le réalisme, sont abordés. Au fil des pages, Zeri invite à réévaluer l’apport des bambochades, trop unilatéralement confinées à leur charge picaresque. Il fait entrer dans son panthéon des artistes négligés comme Giacomo Ceruti, dont «les visages anticipent ceux des films néo-réalistes» ou Ciardi et Quadrone, mémorialistes oubliés du 19e siècle. Il décèle dans un personnage d’un tableau de Peterssen, La Sieste dans l’auberge, le prototype du latin lover, découplé, à la peau mate et au regard de braise. Il tire de sa besace des vues méconnues de Canaletto et de Bellotto. Il assaisonne le tout d’anecdotes croustillantes : le modèle qu’Elisabeth Vigée-Lebrun peint devant le Vésuve est aussi volcanique que son arrière-plan. C’est Frederick Hervey, comte de Bristol et évêque de Derry, qui lance des spaghetti sur les processions religieuses et tente d’acheter le temple de Vesta à Tivoli pour le remonter en Angleterre…
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