Quimper expose ses trésors cachésLe musée des beaux-arts, l'un des plus riches de province, lève le voile sur ses réserves. Qu'y a-t-il derrière les Rubens, Guido Reni, Boucher ou Fragonard ?
| Anonyme, La Joconde d'après
Léonard de Vinci, 16e siècle
© Musée des beaux-arts de
Quimper |
Pourquoi cette décision de révéler vos réserves ?
André Cariou. Pour des raisons croisées. Le public a toujours eu tendance à affabuler sur les trésors que des réserves pouvaient contenir. Puis, il y a ce côté un peu voyeur qui entoure des lieux comme les coulisses de théâtre ou les loges des danseuses. Notre exposition a pour objectif de montrer qu’il y a une logique précise dans la sélection des pièces exposées sur les murs du musée et de celles qui sont conservées dans les réserves. La qualité est notre principal critère de choix. Ensuite, il va de soi que la cohérence de la collection permanente nous empêche de présenter certaines œuvres. Par exemple, comment expliquer la présence de six toiles orientalistes de petits maîtres au milieu de 300 peintures d’inspiration bretonne ?
Et que détenez-vous en réserve ?
André Cariou. Beaucoup de bric-à-brac et des objets atypiques. Il est évident que les quatre statues en porcelaine de Meissen ne trouvaient pas leur place dans des salles qui ne comportent aucun objet d’art. Le fondateur du musée, le comte Jean-Marie de Silguy, s’était donné comme objectif de construire une collection idéale. Selon ses revenus, il achetait principalement des copies d’œuvres. Nous en possédons environ 400 dont certaines ont une histoire. C’est le cas de cette première copie ancienne de La Joconde qui a été exposée dans le monde entier. En 1911, lors du vol de l’original, le Louvre, ne voulant pas ébruiter l’affaire, avait envoyé un télégramme au musée de Quimper pour emprunter la copie. Finalement, la presse ayant pris connaissance du délit, notre Joconde est restée dans nos réserves. Nous possédons également des œuvres trop abîmées pour être présentées même s’il s’agit de toiles rares dans la production d’un artiste comme George Lacombe. Il ne reste, en effet qu’un tiers de surface picturale sur son Allégorie. En ce qui concerne les pièces étonnantes, nos réserves renferment le premier stéthoscope de Laennec, originaire de Quimper, les jumelles de Cambronne ainsi que des statuettes égyptiennes.
| André Devambez, Les Incompris, 1904
© Musée des beaux-arts de Quimper |
Comment avez-vous choisi de présenter ces pièces dans le musée ?
André Cariou. Nous avons joué le jeu de l’accumulation. En 1972, lorsque le musée a ouvert ses portes, il ne possédait pas de réserves. Toutes les œuvres étaient donc présentées sur les murs, sur 6 ou 7 niveaux, sans aucune classification. Nous avons tenté de recréer cette ambiance 19e siècle. Parmi les pièces les plus importantes, notre Joconde et une copie de la Vierge à la chaise de Raphaël. Bien que ce ne soient que des copies, leur valeur de témoignage demeure. Deux toiles très endommagées de Verdier, un peintre du 17e siècle, proche de Poussin, font découvrir au public l’autre versant des réserves, celui d’un dépôt d’œuvres à la restauration impossible. Nous présentons également Les Vapeurs de la nuit de Yann d’Argent, toile que nous avons acquise il y a quelques semaines à Paris et dont le cadre reste manquant. Car les réserves sont aussi un lieu de transit entre l’arrivée des pièces et la présentation aux visiteurs. Le Buste de Madame Fontenelle par Despiau, dans les années trente, est présenté au même titre que la croix en bois destinée à orner la tombe provisoire de Max Jacob à Ivry avant son transfert à Saint-Benoît-sur-Loire. Émouvantes également, les anciennes plaques en faïence de Quimper, décorées et historiées, qui ornaient les rues. On retrouve ainsi, la rue des Boucheries ou la venelle du Pain cuit... témoignage d’une époque, les réserves conservent cette mémoire.
| Stéphanie Magalhaes 30.03.2002 |
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