| Le logo du Pavillon des
antiquaires, dessiné en
1997 par Alain Bouldouyre |
Le petit homme rouge, un personnage en quête d'auteurLe symbole du Pavillon des antiquaires est devenu une véritable icône. Mais d'ou vient-il ? Nous avons mené l'enquête…
L’image satisfait pleinement les concepteurs du salon, Patrick Perrin et Stéphane Custot, qui soulignent son aspect mystérieux, son caractère fort. «J’ai rencontré Patrick Perrin en 1997, explique le dessinateur Alain Bouldouyre. Il venait de finir le Salon des beaux-arts et le Salon du dessin. Il cherchait une communication efficace, spectaculaire pour un nouvel événement. Je me rappelais un tableau, un choc de l’enfance. Je suis retourné le voir, il était resté à la même place au musée de Camondo. Ce sont les gentilhommes du duc d’Orléans, vus de dos. Il est rare de peindre des personnages de dos, je n’en connais pas beaucoup d’exemples, je pense à Friedrich. Après m’être assuré des droits auprès de l’Union centrale des arts décoratifs, j’ai choisi le corps le plus élancé et je lui ai mis la perruque d’un personnage plus ventru. Je l’ai fait à la gouache, en petit, une quinzaine de centimètres pour que l’on voie les traits de dessin en l’agrandissant. J’ai choisi un rouge très fort, celui de «La Vache qui rit». J’ai mis en fond une tour Eiffel très croquis, avec un drapeau français, qui symbolisait la réponse à Tefaf Maastricht.»
| Jaquette d'un CD de l'intégrale
de Mozart chez Philips |
Félix Philippoteaux (1815-1884), modeste peintre de batailles, serait bien étonné de voir qu’un de ses personnages est devenu le logo d’un salon parmi les plus courus de la capitale, plus d’un siècle après son trépas. Sa composition réunit ainsi le raffinement du 18e siècle français et la modernité, incarnée par le monument de Gustave Eiffel. Faudra-t-il lui faire subir un aggiornamento ? Patrick Perrin, en forme de boutade, se dit prêt à lui faire endosser un perfecto et des santiags, Stéphane Custot lui verrait bien une banane. Mais, pour de nombreux utilisateurs, les hommes en rouge de Philippoteaux n’exigent aucun travestissement tant leur caractère énigmatique fait mouche. On les retrouve sur la page de garde du site internet du commissaire-priseur de Neuilly, Claude Aguttes, dans l’intégrale Mozart chez Philips ou sur les plaquettes de la boutique de design Flamant, installée place de Furstenberg…
| Félix Philippoteaux, Les Gentilshommes
du duc d'Orléans dans l'habit de Saint-
Cloud, huile sur toile, copie d'une
gouache de Louis Carrogis dit
Carmontelle |
Le tableau est entré chez Moïse de Camondo en 1931, à l’issue de la vente du duc de Vendôme. Depuis cette date, il est exposé au même endroit, près de la cheminée du salon bleu. «C’était la chambre de Béatrice, la fille de Moïse, explique Sophie Le Tarnec, documentaliste au musée, jusqu’à son départ après la naissance de son second enfant. Moïse de Camondo l’a alors transformée en bureau. On connaît tous les personnages du tableau : nous possédons en effet dans les réserves un dessin préparatoire, où ils sont indiqués.» De gauche à droite, les six gentilshommes de la maison d’Orléans en habit de campagne sont donc le chevalier de Gax, le marquis de Périgny, le chevalier de Saint Mars, le chevalier d’Estrées, le baron de Tourempé, le chevalier Desparts.
| Carmontelle, Portrait du Chevalier
de Pimodan, vu de profil, 1756,
vendu par l'étude Poulain-Le Fur
le 9 décembre 1999. |
Philippoteaux, plagiaire ? L'auteur de la Bataille de Valmy et de Chasseur et lignard n'a pas inventé la composition. Il s'est lui-même reposé sur un prédécesseur ! Ce dernier n'est autre que Carmontelle et sa gouache figurait encore récemment dans la collection du comte de Paris. Louis Carrogis, dit Carmontelle (1717-1806), était le lecteur du duc d’Orléans. Mais ses talents étaient nombreux. Prolifique écrivain, il a laissé plusieurs volumes de proverbes, ou petites improvisations théâtrales, qui faisaient alors fureur. C’est lui qui a dessiné le parc Monceau, la folie de Philippe Egalité. Grand spécialiste des portraits de profil, il a dépeint les personnalités de son temps, du chevalier de Pimodan (vendu chez Poulain et Le Fur en décembre 1999 pour 40 000 francs) à Mozart jouant du piano en compagnie de son père, lequel arborait déjà la perruque, la redingote, les bas noirs… Carmontelle est mort pauvre, à 89 ans, rue Vivienne. On l'a bien oublié cependant que son petit homme rouge est en pleine forme. A propos, qui nous dit qu'il en est l'inventeur ?
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