Milan sous le soleil de la bibliophilieAlors que les polémiques entre ministres français et italiens s'enveniment à Paris, Marcello dell’Utri, l’un des principaux collaborateurs de Berlusconi, voit grand pour son Salon du livre ancien…
| A. Sanquirico, Couronnement de
Ferdinand Ier, 1838
(Philobiblon, Rome) |
Créée en 1990, la Mostra del Libro Antico s’est imposée sur les agendas des amateurs de livres anciens. Son créateur, l’avocat Marcello dell’Utri, dont les démêlés avec la justice ne sont pas encore conclus, parle même de «plus important salon au monde» Mégalomanie ? A voir les participants, on note en effet la présence d’exposants renommés, comme les parisiens Elisabeth Sourget ou Rodolphe Chamonal, le londonien Bernard Shapiro, le hambourgeois Jörn Günther ou le bolonais Cappelli. «Il y a treize ans, il n’y avait à Milan rien de comparable à ce qui se fait à Paris ou Londres. D’où l’idée de créer cette manifestation, qui accueille désormais plus de 10000 visiteurs payants. Nous accueillons cette année pour la première fois, parmi les soixante-dix exposants, un argentin, Imago Mundi. L’an prochain, nous aurons aussi des représentants du Japon et des pays de l’Est.»
| Hiroshige, Le pont Kintai sous
la neige, 1859
(Lella et Gianni Morra, Venise) |
Du côté des manuscrits, on observera avec intérêt la seule lettre de Matteo Maria Boiardo encore en mains privées (Libreria Antiquaria Reggiana). L’homme de lettres de Ferrare fut l’auteur du premier Roland furieux, avant la version, bien plus célèbre, de l’Arioste. Jörn Günther expose quant à lui un Arte del navigare sur papier et parchemin de 1464, dédié au doge de Venise. Les incunables, premiers produits de l’impression jusqu’à la fin du 15e siècle, comprennent une édition des Fioretti de saint François d’Assise de 1489, chez Bernard Quaritch et de beaux Pétrarque chez le milanais Malavasi. Au gré des stands, on pourra s’attarder sur un traité de commerce du 18e siècle, Le Caissier italien, par le négociant lyonnais Jean-Michel Benaven (chez Chamonal), sur le Voyage pittoresque dans le Brésil de Maurice Rugendas (1835, avec de nombreuses lithographies, chez Imago Mundi de Buenos Aires) ou sur un tapuscrit d’Italo Calvino (Lame Duck Books, de Boston).
Dégoût de la politique ? Marcello dell’Utri nourrit une fascination pour le thème de l’Utopie. «Je collectionne depuis longtemps les ouvrages de Thomas More, Tommaso Campanella, Francis Bacon, Pic de la Mirandole ou Machiavel, qui est intéressant à sa manière puisqu’il représente plutôt l’anti-utopie. Je les ai réunis dans une bibliothèque que j’ai ouverte Via Senato, à Milan, en 1996. Elle possède aussi des éditions originales des débuts du 20e siècle : Ungaretti, Montale, Soffici ou Prezzolini, et un fonds unique sur l’histoire de l’entreprise en Italie.» Nul doute que Marcello dell’Utri tentera d’acquérir La Description de l’Isle d’Utopie, première édition du chef-d’œuvre de More, en bonne position sur le stand de l’anglais Spademan…
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