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Expositions

Basquiat, l'artiste insatiable

Une exposition romaine perce les complexités et les contradictions de l'une des grandes figures de l'art américain.


Basquiat, Autoportrait,
1982, acrylique et huile
marouflée sur toile,
152,5 x 152,5 cm.
Collection Léo Malca
© ADAGP
Jean-Michel Basquiat est devenu l'expression de l'art américain des années 80. Il avait tout pour devenir un mythe. Métis (son père est haïtien et sa mère portoricaine), né à Brooklyn, il crée avec son ami Diaz et quelques amis le groupe SAMO© (Same Old Shit) et recouvre les murs de Manhattan de graffiti. Il abandonne ce groupe en 1979 et commence à faire des cartes postales qu'il vend dans les lieux publics. Andy Warhol achète l'une d'elle, premier pas d'une amitié que Warhol célèbrera en faisant un portrait de Basquiat en 1984. The Village Voice lui consacre un article. L'affaire est faite. Alors que la vogue des graffitistes bat son plein, Basquiat se lance dans la peinture. Et il ne sera peintre à peine plus d'un lustre : il meurt en 1987, sans doute d'une surdose d'héroïne. Jeune, trop jeune, mais juste assez pour forger une icône.

L'exposition préparée par Giani Mercurio et Mirella Panepinto retrace cette brève carrière. Elle met bien en relief ce qui a fait le talent de Basquiat : une capacité surprenante à absorber toutes les influences, tous les styles, toutes les inventions plastiques. New York New York (1981) le montre parfaitement : un peu de matiérisme, un doigt de graffiti et une construction rappelant vaguement Stuart Davis. Le filtre de son imaginaire est vorace : on y retrouve quelque chose de Twombly et de Dubuffet, jouant sur un registre allant du dessin infantile aux références primitivistes et utilisant tous les matériaux qui lui tombent sous la main, dans une sorte de désordre dionysiaque et dévastateur. Il se révèle un plagiaire insolent et sans retenue. Ainsi, en 1983, il n'hésite pas à parodier le célèbre portrait de Mona Lisa revu par Marcel Duchamp tout en introduisant, toujours dans une optique parodique, l'esprit de Warhol, transformant le buste de la célèbre poseuse de Léonard de Vinci en une sorte de billet d'un dollar. Sous un apparent désordre, dans une sorte de fuite en avant brouillante, il se révèle capable de constructions savantes et équilibrées. Même Prayer (1984), qui emprunte son langage aux bandes dessinées et aux ébauches tatônnantes de l'enfance, est un tableau parfaitement équilibré. À mesure que le temps passe, on sent poindre chez lui la nécessité impérieuse de se concentrer sur un sujet et d'esquisser une œuvre. Icarus Esso (1986) où il conserve les recettes qui l'ont rendu célèbre, est une composition sophistiquée et complexe. Il semble alors hésiter entre plusieurs voies, celle de l'outrance, comme dans Because it Hurts the Lungs et Self-Portrait, ou celle du dépouillement dans une œuvre au fond monochrome, Glassnose. Sans avoir l'ambition d'être une rétrospective, cette exposition nous présente toutes les complexités et toutes les contradictions d'une œuvre qui est celle d'un surdoué insatiable, pléthorique, intelligent, mais qui n'a jamais trouvé la vérité de son art.


 Gérard-Georges Lemaire
26.04.2002