Anatomie du rêve américainL'Hôtel de Sully survole cent ans d'American way of life, des vagues d'émigrants européens aux premiers pas de la télévision.
| Amitié, trois fillettes, vers 1853
© Stephen White |
L'ambition de cette exposition venue du musée Van Gogh d'Amsterdam dépasse le projet de servir une tranche centenaire de l'histoire de la photographie américaine. Le Nouveau Monde comme le nouvel art suivent ici leurs destins distincts, de l'immigration à la confrontation avec la guerre mondiale pour le premier, de la plaque daguerréotype aux premières épreuves en couleur pour le second. La scénographie de l'espace du Patrimoine photographique respecte le parcours raisonné de 180 épreuves originales d'auteurs célèbres, connus ou anonymes, voulu par Andreas Blühm, directeur des expositions au musée Van Gogh, et par Stephen White, collectionneur propriétaire des oeuvres. À raison d'une image par artiste (très exceptionnellement deux ou trois, dans des registres différents, comme pour Will Connell ou John Johnston), Walker Evans, Berenice Abbott, Edward Steichen, Margaret Bourke-White et beaucoup d'autres apportent donc leur simple contribution de témoins orientés vers leurs préoccupations esthétiques ou documentaires.
| Le mont Rushmore, South Dakota,
vers 1940. Dryden’s Photo Shop.
(tirage argentique colorié).
© Stephen White |
L’Amérique et son rêve se dessinent alors en six chapitres qui tentent de mettre de l'ordre dans le foisonnement de cet accrochage patchwork, à l'image de cette extraordinaire intégration : «Identités américaines», «Tous les hommes naissent égaux», «Capables de vaincre les montagnes», «Fabriquer le rêve», «Nouvelles frontières», «La Ville prospère». L'histoire commence dès la descente du grand escalier intérieur de l'hôtel de Sully par les photographies d'immigrants de toutes époques, premiers concernés par ces rêves d'Amérique. Le corps de l'exposition rend ses droits à la réalité historique et sociale, habitée par les grandes figures, hommes d'Etat, militaires, inventeurs et brigands. La mégapole, parfois visitée dans l'intimité des squares et des villas, apparaît comme la transgression des limites voulues par ces temps modernes, avec l'érection de l'Empire State Building suivie par Knickerbocker Photo Service, l'anéantissement de Los Angeles couvert en panoramique par George Lawrence. Dans le sillage de la révolution industrielle et technique qui finit avec les premières émissions de télévision, la publicité représentée par John Collins, Paul Outerbridge ou James Doolittle préfigure l'American way of life, qu'on ne perçoit pas encore dans le regard, fiévreux et triste, de la petite fileuse de coton photographiée en 1909 par Lewis Hine.
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