Portrait de l'artiste en Frida Kahlo

Morimura vit et travaille à Osaka au Japon. Il a obtenu une véritable audience internationale lors de la Biennale de Venise en 1988. Cette exposition. Elle se tient simultanément à Tokyo et à New York. L’accrochage est rigoureux, avec ses cadres baroques à moulures dorés parmi lesquels se distinguent plus particulièrement ces 3 formats circulaires exposés sur le mur du fond entourés de rosaces de multicolores et flashantes qui ajoutent encore au kitsch des compositions. On est ensuite intrigué par l’ambivalence de la représentation elle-même : s’agit-il du visage de l’artiste ou de son égérie Kahlo ? Il faut à ce stade se référer au catalogue de l’exposition et se plonger dans le dialogue imaginaire entre la peintre mexicaine et le Japonais pour tenter de comprendre pourquoi ce dernier se transfigure ainsi au féminin. On est ensuite impatient de rencontrer le bel éphèbe efféminé mais surpris de découvrir un petit homme quadra et intello à la fois, tout de noir vêtu, à la sensibilité à fleur de peau, visiblement ému de se voir exposé à deux pas de l’endroit même où il puise une bonne partie de ses références, de ce sanctuaire de la culture occidentale qu’est le Louvre. Le musée et sa Joconde étaient bien sûr mis au programme de sa courte visite parisienne.

La production artistique de Morimura ne fait pas seulement appel à la photographie mais également des techniques graphiques sophistiquées incluant à la fois le traitement numérique de l’image et sa composition à partir de peinture, collages, photos, textile. Cette série est la plus récente de Morimura. Elle procède d’une même quête personnelle de la beauté qui passe par l’interprétation des chefs-d’œuvre de l’histoire de l’art. « Dialogue intérieur avec Frida Kahlo »a demandé près de 10 ans de travail à Morimura. C’est en fait Jean-Paul Gautier qui parle la première fois de cette artiste mexicaine dont la vie pleine d’amour et de passion a été marquée par la souffrance physique et mentale. Il emprunte aux aspects les plus forts de la vie et de l’œuvre de Kahlo que sont la joie, la colère, le chagrin, la beauté, la vie et l’amour, les thèmes qu’il traite dans la série exposée.

Le travail de Morimura est caractérisé par le fait qu’il réutilise toujours, à l’image de Cindy Sherman, son propre corps dans celui figuré dans tel ou tel tableau en s’appropriant en quelque sorte l’identité du sujet représenté, nouant ainsi un dialogue critique avec le tableau permettant maintes interprétations. Poussant jusqu’à l’extrême la pratique du travestissement, Morimura franchit les limites qui séparent le masculin et le féminin et subvertit les conceptions préétablies de l’Occident et de l’Orient. Agrégeant dans ses compositions des éléments symboliques, il suggère une confrontation culturelle entre certaines visions occidentales de la féminité et certaines visions occidentales de l’Asie.