| Jean-Luc Vilmouth,
One way or an another, 2001
© ADAGP |
Les artistes à l’assaut de la villeLa ville, c’est le plein des bâtiments mais aussi le vide des espaces publics. Et les artistes ont leur mot à dire pour insuffler dans ce vide le «lien» qui lui fait aujourd'hui cruellement défaut. C’est le sens du manifeste lancé hier par un groupe de plasticiens et d’intellectuels.
Le constat est cruel : «Les maîtres d’ouvrage courageux et sensibles sont rares. Depuis quarante ans, la ville est confiée aux services techniques. On trouve toujours dans une ville un directeur des services techniques mais jamais un directeur artistique. D’où cette absence de vue globale, de cohérence, ces interventions successives qui sont autant de chocs. Et sur lesquelles seul l’artiste aurait la capacité de réaliser la nécessaire synthèse.» Les mots sont de Georges Verney-Carron, lors du colloque qui s’est tenu hier sur le Toit de la Grande Arche de la Défense. Colloque militant puisqu’il s’agissait de pousser un cri de colère, de demander, d’exiger même, que l’artiste ait sa place en amont dans le processus de construction urbaine et pas seulement comme pourvoyeur de statues, de Manneken Pis ou de généraux d’Empire répétés à l’infini… On trouve du beau monde dans le manifeste qui s’en fait l’écho. Initié par François Barré, ancien directeur de l’Architecture, Bruno Macé et Georges Verney-Carron, il a déjà été contresigné par Buren, Régis Debray, Jérôme Clément, Yann Kersalé, François Morellet ou Jean-Michel Wilmotte.
Pour Georges Verney-Carron, qui cite l’exemple de Strasbourg, où officiait Michel Krieger, cette intervention précoce de l’artiste dans les projets urbains, outre qu’elle permet d’introduire ce liant qui manque si souvent à nos cités, a l’avantage d’être très économique. «On sait que ce qui coûte cher, c’est le béton. Par rapport à la construction d’une place, l’intervention d’un artiste a un coût quasiment nul s’il est intégré au niveau du gros œuvre. La vraie question est plutôt : les architectes sont-ils prêts à travailler avec les artistes ?» Michel Krieger lui fait écho et, fustigeant «nos contemporains assommés d’immédiat, notre espace public toujours plus privatisé, nos villes asphyxiées par le fric», il cite deux des principaux projets municipaux strasbourgeois dans lesquels l’artiste a eu sa place dès le départ : le tramway et le jardin transfontalier dit des Deux Rives.
Dans un constat plutôt accablant pour les pouvoirs publics, le cas de Lyon est mis en première ligne : la place des Terreaux revue par Buren et Christian Drevet respectait un cahier des charges de la mairie (époque Michel Noir) prévoyant une utilisation strictement piétonnière. Raymond Barre, en autorisant le trafic des poids lourds, a vidé l’intervention de son sens. Le nouveau chargé de mission de la Ville de Paris pour les grands travaux, Philippe Hansebout, tente de convaincre l’assistance des intentions de l’équipe Delanoë : les artistes seront associés au projet du 104, rue d’Aubervilliers (fabrique de spectacles vivants) ou à la réflexion sur le nouveau plan local d’urbanisme. Mais la création, déjà évoquée, d’une agence pour l’art public, semble encore mal définie. Tout n’est cependant pas négatif. Olivier Kaeppelin cite le cas du métro de Toulouse où l’entreprise responsable s’est adjoint des plasticiens dès l’origine. Jacqueline Dauriac mentionne le concours qu’elle a gagné pour le nouveau port du Havre, où elle aura la haute main sur couleur, lumière et signalétique…
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