Edward Weston et son doubleLongtemps restée dans l’ombre de son compagnon, Margrethe Mather pourrait voir sa cote s'envoler. Vérification aujourd'hui à New-York chez Christie's.
| Margrethe Mather,
Portrait of Edward Weston,
tirage signé et daté 1922,
24,5 x 19 cm
Estimation : 150 / 200 000 $ |
Il y a encore quelques mois, le nom de Margrethe Mather était largement méconnu. Les mieux renseignés savaient uniquement qu’elle avait été la compagne et la muse de l’un des ténors de la photographie pictorialiste, Edward Weston. En octobre dernier, un ouvrage a levé le voile sur cette femme : «Margrethe Mather & Edward Weston, A passionate collaboration» écrit par Beth Gates Warren, directrice du département photographie chez Sotheby’s à New-York entre 1985 et 1995. Il met en lumière le rôle primordial de Margrethe Mather dans l’évolution de l’œuvre de Weston et révèle sa place singulière dans le milieu artistique profondément masculin des années 1915-1920. Elle s’y était en effet taillé une réputation : participant à la fondation du groupe Camera Pictorialists of Los Angeles en 1914 et prenant part à de nombreux salons dans lesquels elle connaissait un réel succès commercial qu’attestent les journaux de l’époque. Ce livre constitue un premier pas vers une reconnaissance dont la prochaine étape officielle sera sans doute l’inauguration, au printemps prochain, d’une rétrospective au musée de Santa Barbara.
Avant même cette échéance, le marché se fait l’écho des «découvertes» de Beth Gates Warren. Jusqu’ici les photographies de Margrethe Mather ou co-signées par le couple Weston-Mather figuraient rarement sur les catalogues de vente. Question de cote autant que de disponibilité sur le marché si on en croit les résultats des dernières ventes. Sur le peu de références existantes, on constate en effet que de nombreux lots sont restés invendus : Fan stripes mis en vente par Sotheby’s en 1999 pour 5 / 7 000 $, un Portrait d’Edward Weston proposé en 1998 par Sotheby’s pour 20 / 30 000 $ ou le Portrait de Frayne Williams offert chez Christie’s en 1996 pour 4 / 6 000 $. Les meilleures références étant celles du Portrait de Florence Deshom vendu en avril dernier par Sotheby’s pour 10 800 $ et du Double portrait de Johan Hagemeyer et Edward Weston, record de l’artiste établi en 1988 par Sotheby’s avec une enchère de 30 800 $.
En mettant en vente un Portrait d’Edward Weston de 1922 avec une estimation de 150 000 à 200 000 $, ce que tente aujourd’hui la maison Christie’s ressemble donc bien à un coup de force. Une tactique que nous a expliqué Leila Buckjune, directrice du département photographie à New-York. «Notre estimation est basée sur la rareté de l’image et sur son importance historique. Elle ne tient pas compte de la mauvaise évaluation de son œuvre qui a longtemps été de mise. Il existe d’autres portraits de Weston par Margrethe Mather dans les collections du Museum of Modern Art, du Getty Museum ou du George Eastman House mais on pense que celui-ci est unique. Non seulement, Mather réalisait rarement plusieurs tirages d’une même image mais en plus il s’agit d’une œuvre très personnelle. C’est une photographie qu’elle a offert à Edward Weston qui l’a lui même transmise à sa sœur… Et puis, un livre comme celui de Warren peut avoir un réel impact sur le marché en exposant une œuvre à un public bien plus large». À suivre…
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