Accueil > Le Quotidien des Arts > Friedrich au bord de la Tamise

Expositions

Friedrich au bord de la Tamise

Un prêt du musée de l’Ermitage permet aux Londoniens d’admirer quelques-uns des plus beaux tableaux du maître romantique.


Caspar David Friedrich
À bord d’un voilier
(1818-1819)
Huile sur toile, 71 x 56 cm
À l’exception d’une seule toile conservée à la National Gallery et de quelques œuvres sur papier, le peintre Caspar David Friedrich (1774-1840) n’est pas représenté dans les collections publiques de Grande-Bretagne. Selon Timothy Stevens, directeur des Hermitage Rooms du Somerset House, « les collectionneurs britanniques contemporains de Friedrich, comme nombre de leurs voisins européens, s’intéressaient alors presque exclusivement à leurs compatriotes ou aux peintres anciens. » Aussi, les plus grands fonds consacrés à Friedrich se trouvent-ils dans son pays natal, l’Allemagne. La Russie, et plus précisément le musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg, possède pourtant une riche collection d’œuvres de Friedrich, ainsi que d’autres artistes allemands du XIXe siècle. Cette présence dans les musées russes provient de l’union du tsar Nicolas Ier avec Charlotte de Prusse, sœur du roi de Prusse Frédéric-Guillaume IV. Nicolas Ier, s’entendant fort bien avec ce dernier, suivit ses conseils et acquit un grand nombre de peintres romantiques allemands. S’il n’était pas tendre avec ses adversaires, le tsar de Russie savait faire preuve de raffinement et de délicatesse dans ses choix artistiques. « Nous avons souhaité donner un aperçu représentatif du goût de Nicolas Ier », précise Timothy Stevens.


August Mathias Hagen,
Montagnes, 1835
Huile sur toile, 36,5 x 58,5 cm
Parmi les contemporains de Friedrich rassemblés dans cette exposition, on compte Franz Krüger (1797-1857), Ferdinand Theodor Hildebrandt (1804-1874) ou encore August Mathias Hagen (1794-1878). Frédéric-Guillaume IV appréciait particulièrement Adolph von Menzel (1815-1905). Il lui commanda, pour l’offrir à sa sœur, un album en souvenir de la fête de la Rose blanche célébrée à Berlin en 1829, lors du séjour du tsar et de l’impératrice. « Les dessins, qui retracent le tournoi organisé alors, donnent un aperçu de la vision que l’on pouvait avoir du Moyen Âge au XIXe siècle avec ses chevaliers et ses personnages de contes de fée merveilleusement représentés. »

À bord d’un voilier (1818-1819) ne laisse apparaître que la proue et le mât d’un bateau. Un homme et une femme assis, vus de dos, contemplent le jour se levant tandis que se profile à l’horizon une ville imaginaire. « C’est l’un des tableaux les plus optimistes de Friedrich, indique Timothy Stevens.  Il l’a réalisé peu après son retour d’un voyage avec son épouse, la première année de leur mariage. La brume se disperse. La ville est inspirée de Berlin où est né le peintre. C’est un peu la promesse d’une vie nouvelle ensemble. » Dans un même esprit, Lever de lune sur la mer (1821) dépeint deux hommes debout et deux femmes assises en premier plan regardant les flots. Deux voiliers s’approchent du port. « Est-ce-qu’ils apportent une bonne nouvelle ?, s’interroge Timothy Stevens. Ce qui rend cette œuvre magique c’est la lune montante. La façon dont il joue avec cette lumière lunaire sur le paysage. » Parmi les œuvres sur papier, Chouette sur une fenêtre gothique est d’une inspiration bien plus sombre : « La chouette est l’oiseau de la mort. L’œuvre est mêlée d’horreur et de mélancolie. Un frisson romantique traverse le spectateur du tableau... »


 Laure Desthieux
24.06.2002