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Expositions

Le futurisme à domicile

Une rétrospective milanaise reparcourt l'histoire du mouvement, sans oublier de mettre l'accent sur l'une de ses dimensions méconnues, l'aéropeinture.


Umberto Boccioni, Forme uniche
di continuità nello spazio
, 1913
Cette grande exposition rassemble un nombre impressionnant d'œuvres futuristes appartenant aux collections publiques de la capitale lombarde. Elle est présentée comme la préfiguration du nouveau musée d'Art moderne et contemporain, vieux serpent de mer, qui ne cesse de revenir à la surface comme l'équivalent italien du centre Georges Pompidou. Il est vrai que ces tableaux, sculptures et dessins dispersés dans diverses institutions, de la pinacothèque de Brera jusqu'au musée de la Permanente, représentent un véritable trésor artistique qui rend justice à un vaste mouvement né justement à Milan, dans l'esprit de Marinetti, en sa «maison rouge» à deux pas de Porta Venezia.

Le parcours commence par quelques œuvres significatives des artistes à l'origine du premier groupe qui, en 1910, rédige le Manifeste technique de la peinture futuriste dans un petit café milanais. On peut citer, à titre d'exemple, Madame Virginia (1905) et La Mère (1907) d'Umberto Boccioni, Luna Park à Paris (1905) de Giacomo Balla ou l'incroyable Autoportrait (1909) de Luigi Russolo. Certaines des créations majeures de la phase héroïque sont bien sûr accrochées aux cimaises du PAC (Padiglione d'Arte Contemporanea) : la suite des Etats d'âme de Boccioni (1911), la formidable sculpture de ce dernier, Formes uniques de la continuité dans l'espace (1913), La Chanteuse de Gino Severini (1912) et La petite fille qui court sur le balcon de Balla (1912). Parmi les premiers disciples, de Carlo Carrà (avec son magnifique Cavalier rouge de 1915) à Mario Sironi, d'Ottone Rosai à Fortunato Depero, d'Ardengo Soffici (qui a d'abord été à Florence l'un des plus incisifs opposants au futurisme !) à Achille Funi, beaucoup n'utilisent le futurisme que comme propédeutique avant d'inventer leur propre langage esthétique. De nombreux dessins et aquarelles complètent cet ensemble déjà consistant.


Giacomo Balla, Bambina che
corre sul balcone
, 1912
© ADAGP
Mais l'aspect le plus intéressant de cette présentation, parce qu'il est le moins connu, est incontestablement la section concernant les aéropeintres futuristes. Apparue à la fin des années vingt, l'aéropeinture constitue vraiment le second souffle du futurisme. Les toiles de Gerardo Dottori (le singulier Triptyque de 1931, le peu académique Portrait de Mussolini de 1933), de Cesare Andreoni (Flèches noires, 1938), d'Osvaldo Peruzzi (Bonification, 1932), de Pippo Oriani (Eléments spatiaux, 1932), d'Ivanhoe Gambini (Deux victoires, 1933) sont des compositions exécutées dans un contexte bien spécifique, qui marquent un moment très singulier de la collusion entre l'art et l'idéologie, sans que l'art cède le pas à la politique. Une fois qu'on est passé de salle en salle, avec le sentiment de réviser un cours magistral d'histoire de l'art moderne, on vient à se poser une question, qui, à la réflexion, s'impose : pourquoi n'a-t-on pas tout bonnement eu l'idée de fonder un musée du futurisme en son lieu de naissance ?


 Gérard-Georges Lemaire
18.04.2002