| Etienne-Jules Marey, Homme courant,
poussant devant lui une roue,
chronophotographie, vers 1890
© Nathan / VUEF, 2001 |
Etienne-Jules Marey, le mystère du mouvementMichel Frizot se penche sur la carrière d'un physiologiste, passionné de techniques photographiques.
Difficile d’établir d’emblée un lien entre les travaux concernant la physiologie du mouvement menés par l'éminent professeur du collège de France et les photographies décomposant la marche de l’homme qui ont inspiré Marcel Duchamp dans la composition de son Nu descendant un escalier. C’est pourtant la tâche que s’est assignée Michel Frizot dont la notoriété repose sur la Nouvelle histoire de la photographie dont il a assuré la direction en 1994. Après vingt années de recherches, il publie une somme consacrée Etienne-Jules Marey (1830-1904). Le livre se compose de trois parties. La première fait le point sur la double carrière de Etienne-Jules Marey. La seconde réunit une centaine de planches chronophotographiques. Quant à la troisième, elle évoque les travaux de contemporains de Marey qui se sont attachés à saisir le mouvement, éclairant par exemple les relations entre le Français et l’anglais E. Muybridge qui le mit sur la voie de la photographie avec ses prises de vue d’un cheval au galop.
Comme Claude Bernard auquel il succède à l’Académie des sciences, Etienne-Jules Marey fonde une méthode expérimentale. Sa «méthode graphique» est destinée à enrichir la connaissance physiologique des animaux et des hommes tout en délaissant l’étude du squelette et des muscles, basée sur la vivisection. Il s’agit en fait d’étudier «les êtres vivants, animés par des forces vitales» dans leurs actes et sans aucun dommage sur l’objet de l’étude. Le chronophotographe prend place dans cette cohorte d’instruments et de dispositifs techniques qui permettent de décomposer un phénomène en phases successives, tout comme un chimiste décompose une substance en éléments. Si l’on est saisi par le caractère esthétique des silhouettes blanches qui marchent, courent ou sautent devant un fond noir ou par les épures qui se «dessinent » lorsque les modèles sont revêtus d’un costume noir à lignes blanches, tel n’était donc pas la volonté de Marey. Les recherches techniques menées par ce positiviste viennent d’ailleurs nous le confirmer. Dès 1888, les dispositifs à plaques fixes devant lesquelles un disque percé d’une fente fait office d’obturateur sont remplacées par des dispositifs à pellicule mobile qui permettent la translation d’images successives. Avec des conséquences scientifiques satisfaisantes puisque le décalage des vues facilite la compréhension des mouvements. Mais surtout avec un avenir des plus florissants puisque le principe du cinématographe était né. Il ne lui manquait plus qu’un système d’entraînement stable, inventé sept ans plus tard par les frères Lumière.
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