Un 1er mai sans Jeanne d'Arc au FamilistèreA l'occasion de la fête du travail, Frédéric Panni, son conservateur, décrit le programme de rénovation de la cité ouvrière.
| Pavillon central du Palais social
Familistère de Guise |
C’est à l‘âge de quarante ans, en 1859, que l’industriel et socialiste Jean-Baptiste André Godin entreprend la réalisation de son idéal : un «Palais Social» dans l'Aisne, à Guise. Fils d’artisans et autodidacte, son usine de fabrication de poêles obtient le succès dès son lancement en 1840. Il serait un homme d’affaires comme les autres, s’il ne s’était enthousiasmé très tôt pour les thèses du théoricien socialiste Charles Fourier. En s’inspirant du phalanstère de ce dernier, il édifie le Familistère, qui comprend 500 logements aux normes d’hygiène exemplaires pour l’époque. Chaque appartement comporte six pièces avec des chambres mesurant jusqu’à 20 m2. Jean-Baptiste André Godin réalise lui-même les plans du Palais Social, avec l’aide de deux architectes fouriéristes, Calland et Lenoir. Les travaux prennent fin en 1882. Si l’usine n’a jamais cessé de fonctionner, le système communautaire prend fin en 1968. De graves difficultés financières nécessitent la vente des appartements. Aujourd’hui propriétaires et locataires habitent les lieux dans les conditions d’un immeuble classique.
| Vue aérienne
Familistère de Guise |
Comment va se dérouler cette journée du premier mai ?
Frédéric Panni. C’est une véritable fête populaire ! Nous présentons des spectacles, avec des compagnies de renom comme l’Utopium théâtre, la Compagnie Carabosse et son théâtre forain baroque ou encore la Compagnie Babylone. Nous organisons également un banquet d’Utopie, dont le thème est, cette année, «Pouvoir et Participation». Nous réunissons une dizaine d’invités, dont Michel Vernes, historien de l’architecture, et Roger-Henri Guerrand, historien du logement social. Le public est lui aussi convié à participer au débat. Jean Lebrun, journaliste à France Culture, dirigera l’ensemble. Nous proposons, par ailleurs, une découverte du patrimoine historique du Familistère. La visite comprend les jardins, le théâtre et les salles d’exposition de l’usine Godin.
Le Familistère entreprend un important programme de rénovation, «Utopia» ?
Frédéric Panni. «Utopia» est un vaste programme de valorisation globale du Familistère dans ses aspects urbains, sociaux ou paysagers. Sa vocation est la création d’un projet muséal. Les économats sont destinés à devenir le centre d’accueil des visiteurs, avec une billetterie, une cafétéria, une librairie et une salle de présentation du site. Il y aura une salle d’exposition permanente dans le séchoir. La piscine sera remise en eau, etc. Le projet a été conçu en 1996. En 1998, le département de l’Aisne s’est engagé à le soutenir avec la ville de Guise. Il est, en outre, financé par l’Union Européenne, la région Picardie et l’Etat. Son aboutissement est prévu en 2006.
Quel est son budget ?
Frédéric Panni. Le budget programmé pour l’aspect culturel d’«Utopia» est d’environ 18 millions d'euros (120 millions de francs).
Y-a-t-il des travaux en cours ?
Frédéric Panni. Oui, ils se concentrent sur les bâtiments annexes. La restauration des économats comprend les façades et les toitures. Comme l’ensemble du Familistère, ceux-ci sont classés monument historique ce qui implique certaines contraintes. Les études préalables aux travaux du lavoir-piscine, des trois pavillons d’habitations, du théâtre, des écoles et du kiosque à musique doivent être achevées prochainement.
Qu’en est-il des résidents ?
Frédéric Panni. C’est l'un des sujets essentiels du projet. Il s’agit de trouver des solutions. Qui vivra ici dans quinze ans ? Il faut réhabiliter la fonction «logement» tout en la juxtaposant au projet culturel et artistique. Les espaces d’habitation seront regroupés dans le Palais Social. Pour mieux comprendre l’envergure d’«Utopia», un film de présentation en images, le Familistère en devenir, est projeté aujourd'hui. Cette fête s’impose naturellement dans le projet global. Nous voulons qu’elle soit un rendez-vous populaire, mais aussi l'occasion de la redécouverte du Familistère et un observatoire des «possibles» de nos sociétés.
| Laure Desthieux 01.05.2002 |
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