Méditations photographiques

Après une enfance américaine et anglaise, Martine Franck part pour Madrid où elle mène des études universitaires qu’elle termine à Paris, en 1963. Diplômée de l’École du Louvre, elle voyage en Chine, au Japon et en Inde et rapporte de ce périple oriental, ses premières photographies. Suivent alors diverses collaborations avec de grands titres de la presse illustrée dont Life, Vogue ou encore Fortune. Membre de l’agence Vu en 1970, elle est la co-fondatrice deux ans plus tard de Viva puis s’associe en 1980, à l’agence Magnum. Plus de trente années de travail sont ici évoquées au travers de quelques quatre-vingt-dix clichés, rassemblés selon les thèmes de prédilection de la photographe. Les paysages, qu’ils soient d’Irlande, de Norvège ou de Jordanie, témoignent tous d’une maîtrise des règles classiques de composition et d’un même talent pour faire affleurer à la surface de l’image, de sensibles palpitations. Le cliché voit sa surface fragmentée, le détail et son tout cohabitent, l’image est à la fois lieu de l’immense, de l’étendue et de l’infime. La grille que dessinent les pavés, le moutonnement des arbustes sur la colline, la découpe des rochers dans un mur de pierre, les photographies de Martine Franck usent souvent avec brio de ce contraste formel. Les paysages des années 1970-1980 semblent opter pour un parti plus minimal, exploitant le potentiel graphique de formes géométriques et d’un contraste noir/blanc appuyé (Parc de Sceaux, 1987). La lumière, particulièrement celle du soleil couchant, joue également un rôle non négligeable dans le rendu de ces atmosphères romantiques (Luberon, 1976 et Agadir, Maroc, 1976).

Du noir et blanc à la couleur
Autre motif romantique, le miroir, se trouve au centre d’une série de portraits réalisés sur une trentaine d’années. De la cinéaste Agnès Varda au photographe Cartier-Bresson, en passant par l’acteur ou la geisha se maquillant, il est l’intermédiaire entre le photographe et son sujet, révélateur de soi ou reflet d’un autre en devenir. L’interface du miroir fait également le jeu de cette distanciation recherchée par Martine Franck face au photographié, introduisant un degré de transposition supplémentaire. Le choix du noir et blanc, constante dans la pratique du photographe, participe également de ce désir de mettre à distance le réel, afin de ménager au sein de l’espace pictural, une place pour le rêve. Seule infidélité commise à l’égard du noir et blanc : ses clichés du théâtre du Soleil d’Ariane Mnouchkine. Costumes aux couleurs vives et chaudes, gestes saisis dans un équilibre improbable, lumière théâtrale, maquillage expressionniste : le sujet est d’une plasticité évidente, exploitée ici à plein par le choix de la couleur. Place à la rêverie.