Xavier Salmon (musée du château de Versailles)L’épopée de la campagne d’Italie revit dans les grandes aquarelles de Giuseppe Pietro Bagetti, récemment rééditées. L’Entrée des troupes françaises à Milan est emblématique de son métier.
| Entrée des troupes françaises
à Milan, 15 mai 1796, aquarelle
rehaussée de gouache,
502 x 793 mm, annotée à la
plume et à l'encre brune, musée
du château de Versailles. |
Giuseppe Pietro Bagetti (1764-1831) est un artiste d’origine italienne, qui a joué un rôle important au début du 19e siècle. A partir de 1792, il est professeur de dessin à l’Académie royale de la noblesse à Turin. Puis il est nommé dessinateur de vues et de paysages par Victor-Amédée III, roi du Piémont et de Sardaigne. En 1802, lorsque Napoléon Bonaparte émet le souhait que l’on établisse une carte des champs de bataille du Piémont, la mission en est confiée au dépôt de la Guerre. Bagetti fait partie de l’équipe, dans laquelle se trouvent des ingénieurs et des géographes chargés de faire un relevé précis des lieux.
Les vues ont bien sûr été réalisées après toutes les batailles et la gageure était d’en donner une idée précise. L’équipe a été appelée à circuler en Italie du nord. Sur chaque champ de bataille, des relevés ont été effectués à la mine de plomb sur papier clair, pour cerner le paysage, l’emplacement des monuments, des arbres, des accidents de terrain, etc. Tous ces relevés n’ont malheureusement pas été conservés. Les deux ensembles les plus importants sont à Paris, au Service historique de l’Armée de terre, et à Turin, à la Biblioteca Reale. Les aquarelles ont ensuite été réalisées en atelier.
L’Entrée des Français à Milan est caractéristique du métier de Bagetti. Comme les autres vues, elle est de grandes dimensions et encadrée dans une même bordure noire à filet d’or, portant une explication de la scène. Les éléments du paysage et les édifices sont dessinés à la pierre noire. Bagetti utilisait ensuite l’aquarelle et retouchait les personnages à la gouache. On voit que Bagetti était bien plus qu’un topographe. La ligne d’horizon est très basse, comme pour mettre en scène ce ciel gigantesque, entre Porta Romana, à gauche, et le Duomo, à droite.
Les vues ont d’abord été exposées au château de Fontainebleau, où l’empereur avait créé un cabinet de topographie. A la fin de l’Empire, elles ont été réunies au musée du Louvre et au dépôt de la Guerre. Lorsque Louis-Philippe a voulu consacrer le château de Versailles aux gloires de la France et qu’il a commencé sa quête iconographique, les aquarelles de Bagetti ont évidemment fait partie du choix. Mais il a fallu batailler pour les obtenir : le responsable du dépôt de la Guerre venait d’avoir l’autorisation d’en faire des gravures pour leur assurer une plus grande diffusion. Un ordre du ministre a été nécessaire pour les faire quitter le Dépôt et les acheminer à Versailles, dans la vieille aile du château.
| Propos recueillis par L'Art Aujourd'hui 17.05.2002 |
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