Vents du sud

La fondation Cisneros, basée à Caracas, possède plus de mille cinq cents œuvres d’artistes latinoaméricains. Elle en présente près de deux cents sur un site qui se veut un manuel vivant sur la production moderne et contemporaine même s’il n’oublie pas les périodes plus anciennes avec, notamment, une belle huile de Frans Post de 1638. Pour chaque artiste, on dispose d’une biographie succincte mais vivante. Du brésilien Alfredo Volpi, né à Lucques en 1896, on apprend qu’il a d’abord fait partie du groupe de Santa Helena, qui regroupait des paysagistes paulistes (de São Paulo), qu’il a fait un voyage «initiatique» en 1950 sur les traces de Giotto, et qu’il a exposé à la fondation Guggenheim à New York en 1958. Des encadrés informent sur l’environnement culturel de l’époque : en 1934, Levi-Strauss est nommé à l’université de São Paulo, en 1958, Lygia Pape présente son Balet Neoconcreto au Théâtre de Copacabana. Le jeu est bien sûr d’utiliser les liens internes : de Volpi, bifurquer vers l’une de ses acolytes, la constructiviste Mira Schendel, puis vers le glossaire où l’on découvrira ce qu’étaient ses droguinhas en papier de riz…

Quelques textes ont été mis en ligne, comme le fondamental Manifeste anthropophage d’Oswald de Andrade de 1928, Le Mobile d’Arden Quin ou les conversations beaucoup plus récentes (2001) de Jesús Soto avec Ariel Jiménez. Une carte géographique, munie d’une loupe d’agrandissement d’un maniement assez peu commode, permet d’explorer les liens des artistes sud-américains avec les métropoles inspiratrices, Paris, Londres ou New York. Avant de devenir un mandarin dans son Uruguay natal où il retourne en 1934, Torres-García avait été l’assistant de Gaudi à Barcelone. Que Denise René se soit fait la championne de l’art cinétique dès 1955 est chose notoire. Que Pissarro ait effectué un voyage de deux ans au Venezuela en 1852-54 est moins su. Mais que les Cafetières abstraites d’Alejandro Otero, peintes à Paris, aient provoqué un scandale en 1949 lors de leur exposition à Caracas, voilà ce que beaucoup d’histoires de l’art ne nous disent pas. En 1948, s’ouvre à Bogota la première galerie d’art de Colombie, SA. En 1992, une école de samba remporte le prix du carnaval à Rio en s’inspirant de la Semaine d’art moderne de 1922… Pour reposer d’une consultation encyclopédique, d’amusantes animations interactives – réellement interactives et qui exigent donc un ordinateur à la mémoire musclée - font réfléchir sur les questions de structures, de traces, de perception.

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