| Musicienne nue allongée se
reposant sur un coude,
ramesside, Le Caire, Musée
Egyptien |
Les ostraca, témoignages de pierreLoin des temples et des tombeaux monumentaux, Anne Minault-Gout invite à découvrir l’univers intime de l’Egypte ancienne.
Tessons de poteries ou fragments de calcaire, les ostraca étaient l’équivalent de nos brouillons, quand le papyrus, trop précieux, était réservé aux documents officiels. Découverts sur les sites de Deir el-Medineh et de Deir el-Bahari, sur la rive ouest de Thèbes, ils datent, pour la plupart, du Nouvel Empire et plus précisemment des 18e, 19e et 20e dynasties (1200 à 950 av. J.-C.). Il s'agit parfois de simples exercices d’élèves et d'études pour la décoration des tombes. Mais, souvent ces motifs sortent du cadre de l’art officiel et représentent des scènes d’intimité. «Parfois caricature ou satire de la société, parfois délassement d’un artiste ou d’un scribe à l’esprit leste et au pinceau facile, ces objets révèlent un aspect peu connu du caractère des anciens Egyptiens, empreint d’humour et de gaieté, plus simple et sans doute plus proche de nous».
Ceux des scribes et des artistes étaient réalisés aux abords des tombeaux des pharaons. On y trouve aussi bien des études pour des portraits que des témoignages de la vie sur les chantiers des tombes royales. Le Carrier creusant à genoux (ramesside, Cambridge, Fitzwilliam Museum) décrit un ouvrier en train de creuser la roche. Quant au Plan de la tombe de Ramsès IX (20e dynastie, Le Caire, musée Egyptien), retrouvé lors de la fouille de la tombe de Ramsès IX, il est une inestimable source d’informations techniques.
Avec les scènes d’intimité, scènes de naissance et d’allaitement, nous pénétrons dans les chambres des femmes. «Dans l’univers obsédé par la vie, la vie après la mort, qui était celui de l’Egypte ancienne, les représentations liées à l’amour et à la naissance étaient codées». Pavillon de naissance : femme nue à la coiffure défaite, les pieds posés sur un coussin, allaitant et jeune serviteur nubien lui présentant le miroir et l’étui à kohol (ramesside, Londres, British Museum) dépeint l’une de ces pièces dans lesquelles les femmes se reposaient après l’accouchement dans une atmosphère qui n’était pas dénuée d’érotisme. Des représentations de danseuses et de musiciennes illustrent également cette sensualité égyptienne comme la spectaculaire Danseuse acrobate faisant le pont dessinée dans un cadre (ramesside, Le Caire, IFAO).
De nombreux ex-voto ont été retrouvés dans la région de Deir el-Medineh. Ils témoignent de la piété des artisans. «Toute action était faite en fonction des dieux et nécessitait leur approbation». C’est ce que révèle un ostracon représentant Amenhotep invoquant Thot et lui demandant de lui accorder d’être un bon scribe. Dans les scènes de satire et d’humour et les illustrations de fables, dont l’Egypte serait peut-être le berceau, les animaux sont souvent les principaux protagonistes. Les scènes de la vie quotidienne révèlent des situations variées : potiers lissant une jarre, femme soufflant sur un foyer, gardiens de troupeaux ou encore soldats s’entraînant à la lutte.
Abondamment illustré (120 photographies), l’ouvrage aborde les différents types d’ostraca connus avec beaucoup de simplicité. Anne Minault-Gout livre une mine d’informations qui nous rapproche de la vie quotidienne des Egyptiens anciens. Libérés des contraintes et des conventions de l'art officiel, les scribes et les artistes donnaient libre cours à leur fantaisie dans l’art des ostraca.
| Laure Desthieux 18.05.2002 |
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