| Georges Bruyer, Patrouille, 1917
© Ministère de la Défense |
Dessins de tranchéesLe ministère de la Défense rend hommage aux artistes de la Grande Guerre en publiant une sélection de croquis et dessins. Témoignages émouvants et récits de batailles.
Classés par thèmes, les dessins se succèdent, traitant ici des fantassins en marche et là des prisonniers. Comment ont-ils été sélectionnés ? Certainement pour leur qualité et en partie pour leurs auteurs. Si les scènes illustrent principalement les angoisses et les craintes de ces soldats partant au front, des moments plus paisibles ne sont pas oubliés. Le lecteur sera étonné de l’état d’achèvement de certains dessins ou, au contraire, de la simplicité de scènes prises sur le vif comme ce Soldat à la popote de Perrin. Crayon, encre, ou gouache suffisent pour immortaliser les convois de fantassins français dans les œuvres de Gaston Balande, Alerte ou Sur la route de Nieuport. La vie du soldat ne pouvait passer outre des vues de tranchées. Ainsi, aux champs désertés gravés par Yves De Jacquelot-Diaz s’oppose les corps de cisailleurs allemands tombés devant le front américain, dessinés par Jean-Jacques Berne-Bellecour. Ce dernier, élève de Gérôme et exposant régulièrement au Salon des artistes français, était passé maître dans ces scènes au graphisme soigné comme ce soldat touché par un éclat d’obus ou cette partie de cartes sur un champ de bataille. Si le matériel photographique ne pouvait être utilisé, car trop encombrant, le crayon de Lucien Jonas n’a pas omis d’immortaliser cette Attaque de chars français lourds. Son apprentissage chez Léon Bonnat apporte à ses personnages une puissance psychologique. Une mise en page classique permet de croiser les illustrations et les textes d’écrivains comme Jean Giono, John Dos Passos ou Jules Romains.
Certains croquis, rares, laissent même paraître une note d’humour. Hautoy et Ricardo Florès en sont les principaux représentants avec leurs dessins à la plume ou au crayon illustrant les moments de détente du poilu. Abel Pann dresse un portrait des alliés avec un trait proche de la dérision. Puis, il y a les paysages de déploration comme Le Ravin de la mort, Verdun ou Le Bois bourru d’Henri Justin Marret qui rivalisent de tristesse avec les vues de la cathédrale de Reims de Paul Bouroux ou les esquisses de Louis Dauphin. Si l’infirmerie est présentée comme un lieu de détente et d’amusement par de Jeanne Thil dans Le moral est toujours bon, Charles Jouas y voit un lieu d’expérimentations médicales. La dernière partie de l’ouvrage fait référence à la série des Fronts de mer de Charles Fouqueray. Les dessins de Georges Bruyer se distinguent par leur originalité et leurs couleurs vives. Des Guetteurs français aux Patrouilleurs, ce dessinateur cerne personnages et paysages dans un style proche de la bande dessinée. De bonne qualité graphique, les illustrations sont nombreuses bien que les grands formats soient souvent coupés par la pliure centrale. En index, une biographie des artistes permet d’en savoir plus sur l’apprentissage artistique de ces hommes envoyés au front : Gaston Balande était élève de Cormon, Louis Abel-Truchet avait suivi l’enseignement de l’académie Julian et René Gustave Pierre celui de Gustave Moreau. Pourtant certains artistes comme Aton, Hautoy ou Perrin n’ont laissé comme biographie que ces témoignages dessinés.
| Stéphanie Magalhaes 14.05.2002 |
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