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Patrimoine

L'église de Saint-Emilion sauvée des eaux

La commune girondine redécouvre la beauté de son église monolithe et l'ingéniosité de ses moines.


Eglise monolithe de Saint-Émilion,
après les travaux

Photo: Armelle Lambert
De Saint-Émilion, on connaît le vin, produit dans la première aire d’appellation viticole à avoir été inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO, en 1999. La petite ville compte cependant d’autres trésors comme la plus grande église monolithe d’Europe. Long de 38 mètres sur 12 mètres de hauteur, le monument a été taillé dans un rocher calcaire, entre les IXe et XIIe siècles. Lors des siècles suivants, un grand clocher lui a été ajouté, reposant sur dix piliers monolithes qui séparent la nef unique en trois allées. Jusqu’à une époque récente, cette adjonction gothique avait signé le début des problèmes de conservation… Au fil des ans, d’importantes fissures étaient apparues dans les piliers et les voûtes, aussitôt imputées au poids du clocher, lourd de plus de 4 500 tonnes. Les spécialistes étaient si sûrs de connaître la cause des maux qu’en 1990, la municipalité a décidé de couler trente-huit colonnes en béton armé chargées de soutenir la voûte en cas d’affaissement. Cette mesure, obstruant complètement le volume de l’église, ne pouvait être que provisoire.


Le cerclage des piliers
Photo: Armelle Lambert
Un sous-sol gorgé d’eau
Or, depuis 1996, des études ont été menées, grâce au mécénat d’American Express dans le cadre du programme World Monument Watch, chargé de la sauvegarde de monuments signalés dans la liste des cent monuments les plus menacés du monde, établie tous les deux ans. Comme l’explique Véronique Bourrigaud, chargée du suivi du dossier pour la municipalité : « Ces recherches menées sous l’égide des Monuments historiques ont permis d’établir que le poids du clocher n’était qu’une cause secondaire par rapport au sous-sol et aux sources qui gonflent lors des hivers pluvieux. Un phénomène de résurgence survient alors et les piliers monolithes, à force de pomper l’eau, s’effritent. » Une fois le processus identifié, un programme de restauration a été établi, destiné à conforter l’édifice et à le restaurer. Les travaux estimés alors à 10 millions de francs sont pris en charge à hauteur de 45% par le ministère de la Culture, 17,5% par la région, 17,5% par le département et 25% par la commune. La première tranche, menée durant l’hiver 2000, a permis de consolider l’édifice en installant des corsets métalliques autour des quatre piliers centraux. La seconde, achevée au mois de mars dernier, a consisté en un découpage des colonnes de béton et une restauration de la façade, des autels et des baies qui étaient jusqu’alors obstruées par des plastiques tendus.

Nouvelles découvertes
Parallèlement à ces travaux, un déblaiement a permis de retrouver le sol d’origine, situé jusqu’à un mètre de profondeur. Ces fouilles ont mis à jour plusieurs niveaux de sarcophages et un complexe réseau de canalisation. Les travaux archéologiques révèlent que ce système a été créé par les moines médiévaux mais qu’il est progressivement tombé dans l’oubli après un premier rehaussement du niveau du sol destiné à éviter les inondations. Ces découvertes ont, bien entendu, rallongé et augmenté le coût de la restauration initiale. Après avoir été ouverte cet été, l’église monolithe fermera ses portes en octobre pour un nettoyage et une remise en fonctionnement du système de drainage qui est actuellement étudié par un archéologue. Dans quelques années, si les recherches menées par EDF pour transférer la technique de l’électrophorèse au calcaire aboutissent et que la commune trouve un financement, de nouveaux travaux devraient permettre de redonner aux piliers leur structure d’origine et de se séparer définitivement des corsets métalliques…


 Zoé Blumenfeld
15.06.2002