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Expositions

Les empreintes du temps

Fou de couleur, Xavier Zimbardo fait revivre les chatoyances orientales. Fou de noir et blanc, il débusque, reproduit, provoque le vieillissement de toute chose…


Nadja, 1991 (série des «Belles
Disparues»)
«Moines de poussière», «Belles disparues», les séries de Xavier Zimbardo ont pour elles la poésie des choses qui se fanent. Chez le photographe d’origine sicilienne, le passage du temps est une obsession : est-ce cela qui l’a poussé à être l’un des plus assidus parmi ses semblables dans le recours au dépôt légal de la Bibliothèque nationale ? Ses images y sont cataloguées, à l’abri des injures des ans. Et pourtant, souvent, elles tentent de prendre le temps de vitesse. C’est à la suite d’une séparation affective qu’il s’est mis à fréquenter les cimetières pour y découvrir sur les croix, sur les dalles de granite, ces petites plaques émaillées, fragiles portraits des défunts, soumis à la pluie, au vent, au soleil. Il les a photographiés pour faire revivre des visages oubliés, rayés, estompés. Plus ils disparaissent, plus on tente de les déchiffrer, désespérément, de les fixer in extremis sur notre rétine… Une autre fois, sur le mont Athos, il a revécu cette expérience émouvante. Pas avec des femmes, évidemment, mais avec de vieilles photographies des moines, prêtes à s’effacer au premier souffle, comme les fresques antiques dans Fellini Roma. Il s’en est fait le mémorialiste.


Illuminations on the web n°1, 2000
L’érosion, la disparition, il les a ensuite provoquées, en laissant ses clichés sous la neige, dans la cave, en les faisant marcher sur du verre brisé. «Tout passe, tout casse» dit le poète. Dans la crypte de la Bibliothèque nationale, où les pas résonent, on entre en communion avec des traces, en noir et blanc. Mais ce n’est pas là tout le travail de Zimbardo. Allez donc savoir pourquoi, son autre passion, c’est la couleur ! Celle des femmes indiennes dans leur sari, celle des étoffes orientales, qu’il a rencontrées à l’occasion de multiples reportages pour les grandes revues de ce monde. Après ce pélerinage vers des choses belles et fortes, comme l’amour, comme la mort, on est inquiété par l’intitulé de la dernière section, «Illuminations on the web». On se prend à craindre une récupération maladroite du multimédia, une séance de surf déplacée sur la Toile et les pixels. Non. Il ne s’agit que de toiles d’araignée, dans la lumière du matin et la diffraction des gouttes de rosée. On reste dans la magie de l’éphémère, éternellement recommencé.


 Rafael Pic
30.03.2002