Chambi l’IncaLa Maison des Amériques rend hommage au péruvien Martin Chambi, disparu en 1973, photographe d’une société oscillant entre tradition et modernité, en pleine crise identitaire.
| Martin Chambi
Equipo de baloncesto
© La maison des Amériques
latines |
Né en 1891, Martin Chambi fait son entrée en photographie en 1905, par l’intermédiaire de Max T. Vargas, alors propriétaire du plus grand studio d’Arequipa. Dans cette ville au passé colonial encore fort présent, Chambi, originaire d’un village andin et parlant le quechua (langue vernaculaire des communautés andines), fait l’expérience de la discrimination. Le photographe décide de s’installer à Cuzco en 1920, à l’heure où le mouvement indigéniste rencontre un grand succès populaire. L’indigénisme, pensée issue de la haute bourgeoisie locale, prône le retour à l’âge pré-hispanique, quand l’indien n’était pas encore sous le joug colonial, facteur de corruption. Il s’agit pour les tenants de cette pensée de rétablir le pays dans ses traditions ancestrales et de se prémunir de toute importation culturelle occidentale. Si Martin Chambi ne prend pas part au débat politique, il ne peut cependant l’ignorer et ressent comme tout citoyen de Cuzco, cette crise identitaire que traverse la société d’alors, déchirée entre l’héritage inca, érigé en parangon, et le métisage progressif de sa population. L’essentiel des clichés présentés ici, tous des tirages modernes, ont été faits en extérieur, à Cuzco et dans les sites archéologiques de la Vallée sacrée des Incas.
| Martin Chambi
Primer aviador cuzqueno
© La maison des Amériques latines |
Le foot, déjà…
Quelques portraits d’équipes sportives constituent l’entrée en matière de cette exposition. En studio devant une toile de fond à fleurs ou en extérieur, on observe toujours la même sobriété dans la mise en scène et le cadrage, qui tous deux, exploitent le potentiel graphique d’une disposition géométrique des corps. À ces hommes et femmes vêtus de tenues empruntées au monde occidental, répondent des clichés témoignant de la persistance de rites anciens dans cette société péruvienne, tels que Pèlerins à Olloriti (1931), vision étrange d’une procession de visages masqués. Carnaval, énigmatique photo de famille en intérieur, n’est pas moins surréaliste. La bonne société elle aussi est portraiturée, dans ses mondanités, lors d’un bal en l’honneur du premier aviateur péruvien. Les indigènes ne sont pas oubliés, Buveuse de Chicha (bière de maïs) ou Joueur de flûte de pan complètent ce panorama de la société péruvienne de l’entre-deux-guerre.
| Raphaëlle Stopin 17.06.2002 |
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