Accueil > Le Quotidien des Arts > L’Europe avance, l’Amérique recule

Marché

L'Europe avance, l'Amérique recule

Les statistiques sur les ventes mondiales d’art, établies par Artprice, montrent pour le Vieux Continent une croissance vigoureuse, à laquelle participe la France. Simple phénomène conjoncturel ou tendance de fond ?


Cliquez sur l'image pour l'agrandir
Le marché de l’art se porte-t-il bien ? Au plan mondial, il est en contraction sur le premier trimestre 2001 : les ventes ont baissé de 6% par rapport à la même période de l’année précédente (de 349 à 328 millions d’euros). Ces statistiques, établies comme chaque trimestre par Artprice à partir des prix d’adjudication (hors commissions d’achat), sont à interpréter avec les précautions d’usage : elles ne concernent que le produit beaux-arts au sens strict, excluant par conséquent le mobilier et les antiquités. L’Allemagne est, parmi les grands pays, le plus touché, avec une régression de 37%. Mais il ne participe qu’à hauteur de 1% au volume global. La chute la plus significative est évidemment celle des Etats-Unis. Le premier marché mondial perd 27%. On peut y déceler l’effet persistant des attentats du 11 septembre et une activité probablement amoindrie des petites maisons.


Cliquez sur l'image pour l'agrandir
Qui sont les grands gagnants ? La Grande-Bretagne, en premier lieu, qui s’arroge une position de prédominance absolue. Elle a assuré sur son territoire plus de la moitié des transactions mondiales, soit 50,8% du total, en nette progression par rapport au premier trimestre 2001 (46,8%). La Suisse réalise un bond spectaculaire : + 630%, passant ainsi de 0,4% à 2,7% du total mondial. Mais il s’agit là d’un résultat peu significatif car «dopé» par une vente exceptionnelle. La bonne surprise vient de la France, dont l’on ne cessait de stigmatiser le déclin. Sa part de marché est passée de 10% à 12,7% (de 35,1 à 41,7 millions d’euros). Une bonne nouvelle ? Sans doute si l’on défend la vitalité du marché hexagonal dans son ensemble. Beaucoup moins si l’on se place du côté de Drouot. Les commissaires-priseurs parisiens, qui n’en finissent pas de mettre au point leur stratégie future, voient leur part s’éroder : ils n’ont représenté qu’un bon tiers du total (soit 15,3 millions d’euros). La province, de son côté, a vendu pour un peu plus de 11 millions d’euros. Les grands vainqueurs sont les maisons anglo-saxonnes, autorisées à opérer en toute légalité en France depuis la fin de l’année dernière. Alors qu’elles étaient absentes des statistiques du premier trimestre 2001, leur part est devenue essentielle en 2002. Sotheby’s et Christie’s ont réalisé 15 millions d’euros de produit vendu… soit autant que Drouot. Et les trois plus belles enchères de la saison (les deux sessions de la vente Jammes de photographie ancienne chez Sotheby’s et la vente Charmant de dessins anciens chez Christie’s) sont à mettre à leur actif.

Le premier trimestre ne représente qu’une part négligeable de l’activité dans les ventes d’art. Pour juger de la pertinence de ces résultats, encourageants pour le marché français, il faudra attendre le deuxième trimestre, qui, à cette heure, a surtout fait des étincelles… aux Etats-Unis. La seule vente Sotheby’s du 8 mai a rapporté près de 120 millions d’euros. En d’autres termes, en une journée, la maison anglo-saxonne a produit un chiffre d’affaires trois fois supérieur au premier trimestre français ! Cela amène à souligner l’une des spécificités du marché français : on y vend plus de lots qu’ailleurs mais la valeur moyenne de ces lots est très largement inférieure à celle des ventes anglo-saxonnes. Ce que l’on peut d’ailleurs analyser comme un point fort, mettant la place de Paris à l’abri de variations trop erratiques. Mal équipé face à la puissance de feu de Christie’s et Sotheby’s, Drouot est imbattable dans les objets de moyenne valeur. Se spécialiser là où l’on possède un avantage comparatif ? Les bonnes vieilles recettes d’Adam Smith et de Ricardo semblent n’avoir rien perdu de leur actualité…


 Rafael Pic
23.05.2002