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Politique culturelle

Les "Nanas", orphelines de Niki

La peintre et sculpteur s'est éteinte hier, à Hanovre.

PARIS, 22 mai (AFP) - Ses "Nanas" sont orphelines: Niki de Saint-Phalle, qui avait fait de ces caricatures rebondies et bariolées des pieds de nez aux conventions, est décédée mercredi à San Diego, en Californie. Ce sont ces mêmes Nanas qui auront paradoxalement contribué au décès de leur mère, peintre et sculpteur de 71 ans, atteinte d'une maladie pulmonaire pour avoir inhalé les vapeurs toxiques de ses matériaux de travail. Avec leurs maillots rayés ou largement fleuris, avec leur pétulance "cul par-dessus tête", elles témoignaient de la rébellion et de l'exigence de liberté de l'artiste autant que de son talent. Née en octobre 1930 à Neuilly-sur-Seine, fille d'un riche banquier français et d'une Américaine de la bonne société, Catherine Marie-Agnès Fal de Saint Phalle a été marquée à vie par un secret trop lourd à porter. Dans les années 90, elle a raconté comment l'art avait été pour elle une thérapie contre l'attitude incestueuse de son père, alors qu'elle n'avait que onze ans.

Elle commence à peindre en 1952, puis assemble objets coupants, tranchants, partie de son oeuvre la moins connue et une des plus intéressantes. Mariée à 19 ans à l'écrivain américain Harry Matthews, dont elle aura deux enfants, elle découvre successivement la dépression nerveuse, l'art du Catalan Gaudi à Barcelone puis le groupe des Nouveaux Réalistes et son futur deuxième mari, le sculpteur suisse Jean Tinguely. Sa première exposition personnelle, en 1961, avec les peintures-reliefs "Tirs à la carabine", parodies interactives de l'Action Painting (le spectateur doit faire feu sur des ballons remplis de peinture qui coule sur la toile), lui vaut un première grande notoriété. Niki assemble reliques, angelots, crucifix et les recouvre de peinture dorée, jusqu'à trouver ses vraies marques: les "Nanas", Vénus felliniennes qu'elle modèle à partir de 1965 dans le polyuréthanne.

Avec Jean Tinguely, elle exécute des sculptures pour des commandes muséales ou publiques. Une énorme "Elle" de 23 m de long a ouvert en 1966 à Stockholm son sexe-entrée béant aux visiteurs. A deux pas du Centre Pompidou, à Paris, "Nanas" et "Méta-Mécaniques" s'affrontent ainsi dans la Fontaine Stravinsky, qui a sa réplique dans la Nièvre, à Château-Chinon. Mais son grand oeuvre reste le "Jardin des Tarots" à Garavicchio, en Toscane, où d'immenses sculptures de béton recouvertes de miroirs et de céramiques représentent "La Mort", "Le Diable", "L'Impératrice Sphinge" ou "Le Cheval". Après la mort de Tinguely (1991), Niki de Saint Phalle s'était installée à San Diego, à la recherche d'un climat sec pour ménager ses bronches. En 2001, elle avait offert au Musée d'art moderne et d'art contemporain de Nice plus de 170 de ses oeuvres, collection estimée à 17,84 millions d'EUR. Elle avait reçu le Grand Prix de la Ville de Paris (1992) et le Praemium Imperiale (2000).

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  AFP
23.05.2002