Gros plan sur les moléculesLe Centre Ettore Majorana d’Erice, en Sicile, a récemment ouvert une « école » d’archéologie moléculaire, dirigée par Hubert Curien.
| Observation au microscope électronique
à balayage de pigments rouges à base
d'oxyde de fer (hématite, Fe2O3)
provenant de l'abri du Poisson
(Dordogne), (fausses couleurs).
© Philippe Walter |
Le Centre Ettore Majorana porte le nom d’un physicien italien mystérieusement disparu avant la Seconde Guerre mondiale, alors qu’il participait avec Enrico Fermi aux recherches sur la bombe atomique. Dirigé par Antonio Zichichi, l’un des scientifiques les plus médiatiques de la péninsule, le Centre organise des sessions récurrentes, appelées « écoles », qui réunissent les spécialistes mondiaux dans un certain nombre de disciplines, comme la cristallographie. Celle qui vient d’être consacrée à l’archéologie moléculaire s’est conclue il y a deux semaines, sous la direction de l’ancien ministre de la Recherche français, Hubert Curien. Parmi les participants, on notait la présence d’Herbert Hauptman, prix Nobel pour la chimie en 1985, et de Georges Tsoucaris, du Centre de recherche et de restauration des musées de France.
Parfum d’Égyptienne
Le but de l’archéologie moléculaire est d’aller au-delà de l’analyse élémentaire, explique Philippe Walter, chercheur dans le même organisme ; elle étudie l’origine des matériaux, leur évolution, leur vieillissement naturel ou artificiel, elle essaie de réfléchir à l’organisation des atomes et des molécules. » Les fonds de flacons des cosmétiques de l’Égypte ancienne, lorsqu’ils sont bien conservés, permettent de connaître les techniques de broyage. Des échantillons de cheveux de momies mettent sur les pistes traditionnellement empruntées par la médecine légale et ouvrent la voie à des enquêtes sur les problèmes d’intoxication, par exemple.
Secrets de bitume
L’archéologie moléculaire est une notion qui s’est beaucoup développée depuis une quinzaine d’années, en France particulièrement. Deux de ses pionniers ont été, à Strasbourg, Guy Ourisson et un chercheur d’Elf, Jacques Conan, qui travaillaient sur l’analyse des bitumes anciens, pour mieux en connaître l’origine. D’autre laboratoires ont ensuite emboîté le pas. « À Grenoble, la recherche appliquée à la cristallographie a permis de retrouver les matières utilisées pour les broyages, poursuit Philippe Walter, mais certains matériaux ont longtemps résisté à l’analyse. Ainsi, la structure moléculaire du blanc de plomb vient seulement d’être percée par l’équipe de Michel Anne et va être prochainement publiée. » Des pistes de recherche fécondes concernent l’ADN ancien. En étudiant le vieillissement de certaines protéines chez les mammouths conservés dans la glace en Sibérie, on peut comprendre les évolutions génétiques. De même, les études au synchrotron se développent de plus en plus. Elles s’attaquent notamment aux fibres des manuscrits de la Mer morte et aux pigments des peintures pariétales d’Afrique du Sud. La deuxième session de l’école, dont la date n’a pas encore été fixée, permettra de déterminer l’avancée des connaissances.
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