Livre d'artiste : le parcours du combattant

Editer un livre d’artiste ? Voilà un secteur dans lequel l’exception culturelle est florissante ! Les grands éditeurs ne sont guère alléchés par des tirages de quelques exemplaires, une rentabilité aléatoire et l’absence de remous médiatique. Les amateurs fréquentent des librairies d’initiés, se retrouvent dans des manifestations ponctuelles, par exemple à Saint-Yrieix-la-Perche ou à Arras (où a eu lieu en mars 2002 la biennale «Livres à voir»). Pour son premier livre, l’artiste Raphaelle Bernard-Bacot, qui a beaucoup travaillé sur le langage du corps et noirci des carnets en assistant aux recherches du chorégraphe Serge Ricci, a eu recours à internet.

«J’ai d’abord fait les seize lithographies, qui portent sur le thème du corps en mouvement. Elles ont ensuite été mises sur le site internet destampes.com, créé par Caroline Viannay. Puis j’ai lancé un appel à candidature aux écrivains. Nous avons reçu cent-quarante-quatre textes. Certains auteurs en ont envoyé seize – un par image, d’autres un seul. Un petit jury composé de gens de tous horizons – moi-même, un professeur de lettres, un écrivain – a fait le choix final.» Parmi les auteurs qui ont répondu entre avril et juillet 2001, on ne rencontre pas de noms connus – si ce n’est celui d’un petit neveu de Louise de Vilmorin. Les textes oscillent entre le minimalisme des haikus et la prose baroque, riche comme un lexique de sciences naturelles, d’un Saint-John-Perse. «J’ai contacté des éditeurs. Mais, pour un tirage de trente exemplaires, cela ne les intéresse pas. En outre, le projet était déjà lancé et je les ai senti un peu lésés : ils préfèrent avoir la paternité du projet.» Les auteurs recevront en cadeau une lithographie et pourront recevoir l’ouvrage, tiré un sur velin Rives de deux cent-cinquante grammes, à 90 euros, c'est-à-dire à demi-tarif. L’équilibre financier, dans ce genre d’entreprise, est à ce prix…