Jean-Etienne Liotard, « le peintre turc »Le musée d’art et d’histoire de Genève célèbre le tricentenaire de la naissance du grand portraitiste genevois en présentant, pour la première fois, la totalité de sa collection.
| Jean-Etienne Liotard Marie-Jeanne,
dite Mariette, de Bassompierre,
Vers 1783, 69 x 55 cm
© Photo : Nathalie Sabato, Musée
d'art et d'histoire |
Quelle est la place de cet artiste à Genève ?
Claire Stoullig, commissaire de l’exposition. Les œuvres de Liotard (1702-1789) sont au centre de notre collection. Les visiteurs viennent à Genève pour voir «des Liotard». L’artiste a été assez malin pour léguer son Autoportrait en habit turc à la bibliothèque de la ville. Dès lors, des dons de collectionneurs privés et des acquisitions ont permis d’enrichir le fonds permanent. Dernièrement, nous avons acheté la Nature morte au jeu de loto(1773-1775) ainsi qu’un Portrait de Dacier dont l’attribution n’a pas encore été confirmée. Deux siècles après la naissance de cette collection, nous comptons aujourd’hui quatre-vingt-huit pièces dont trente-huit pastels, trente-cinq dessins, quatre huiles, onze émaux et miniatures. Des œuvres qui révèlent ses talents dans différentes techniques et illustrent son refus de flatter les modèles. Miniaturiste de formation, Liotard devient, au cours de ses voyages, un portraitiste de renom.
Comment l’artiste était-il considéré par ses contemporains ?
Claire Stoullig. En règle générale, les pastellistes étaient moins bien considérés que les peintres au 18e siècle. La place de peintre du roi ayant été offerte à Maurice Quentin de la Tour, la carrière française de Liotard se limita à des commandes de quelques grandes figures nationales. Les portraits de Voltaire et de Rousseau, malheureusement perdus, illustrent la notoriété du pastelliste. À la fois très accepté, au regard des nombreux prix qu’il a remportés, Liotard dérangeait aussi par la touche réaliste de ses œuvres. Son retour à Genève, en 1753, est accueilli avec enthousiasme par la haute société. Aujourd’hui encore certaines grandes familles possèdent des portraits de sa main. Plus qu’un peintre genevois, Liotard est un artiste typique du siècle des Lumières.
Quels étaient ses commanditaires ?
Claire Stoullig. Ses nombreux voyages lui ont valu des commandes de tous les horizons. Marie-Thérèse d’Autriche a certainement été l’une de ses plus ferventes admiratrices. L’artiste réalisa des portraits de poche de tous ses enfants et conserva une relation très amicale avec l’impératrice. Le docteur Théodore Tronchin appréciait également le travail de l’artiste comme en témoigne le portrait de sa femme. Le Palais des Windsor présente une importante collection de portraits de des familles Spencer et Stuart, œuvres réalisées lors de ses fréquents séjours en Grande-Bretagne entre 1753 et 1774. Parmi les autres lieux de conservation de son travail, citons le Cabinet des arts graphiques au Louvre, le Rijskmuseum d’Amsterdam, la Gemäldegalerie de Dresde et le musée Boymans de Rotterdam.
Liotard : peintre orientaliste ?
Claire Stoullig. L’artiste a vécu quatre ans en Orient et en a rapporté une vision très personnelle. Contrairement à ses contemporains, il observe et reproduit fidèlement les personnages qu’il rencontre. Comme à son habitude, l’artiste ne fait pas dans l’artifice. C’est avec des moyens réduits, un crayon et du papier, qu’il tente de s’approcher d’une vérité physique et psychologique. De cette période, nous ne possédons que peu de témoignages sinon ce Portrait de madame Frémot et l’image du «peintre turc» en costume et barbe longue.
| Stéphanie Magalhaes 04.06.2002 |
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