Photographier au fémininLes Transphotographiques de Lille donnent cette année la parole aux femmes. Itinéraire choisi…
| © Sarah Moon, Coïncidences |
S’il est difficile de rassembler un corpus thématique cohérent autour du critère de sélection choisi, celui-ci garantit une grande diversité, autorisant la cohabitation de créatrices aussi différentes que Sabine Weiss, Jane-Evelyn Atwood, Nancy Wilson-Pajic ou encore Sarah Moon. Tous ces travaux sont autant de démarches à apprécier dans leur singularité. Quelques figures importantes sont là pour assurer une certaine audience à une programmation qui s’attache, par ailleurs, à faire découvrir des artistes plus méconnues. Sabine Weiss fait partie de ces photographes dont les images nous sont familières. Ses portraits d’artistes, exposés dans la galerie de la librairie Solstices de Pierre Derœux, présentent Giacometti, Breton ou Kupka dans leurs intérieurs. L’église Saint-Maurice accueille «Les hommes et leurs croyances», travail que Sabine Weiss a mené auprès de diverses communautés religieuses. Nulle volonté sociologique sinon celle de saisir chacun dans son rapport à la religion, quelle qu’elle soit. Autre praticienne du noir et blanc, Jane-Evelyn Atwood s’attache, comme à son habitude, à décrire un milieu fonctionnant en circuit fermé, celui de la prison. Présentée à l’Hospice Comtesse, l’Américaine nous fait découvrir l’univers carcéral féminin au travers de clichés émouvants, qui savent faire l’économie d’effets esthétisants pour servir efficacement un propos humaniste et engagé. Véritables portraits à charge contre l’inhumanité des conditions de détention, ses images sont autant de plaidoyers contre la peine de mort.
Une photographie aux issues plus plastiques et esthétisantes trouve aussi sa place dans cette programmation. Nancy Wilson-Pajic présente «Anges et Apparitions», grands tableaux photographiques utilisant le procédé du tirage à la gomme bichromatée. L’acte créateur n’est pas ici constitué par le seul enregistrement photographique mais se reporte essentiellement sur le processus du tirage et ses multiples potentialités expressionnistes. La main de l’artiste reprend ses droits, niant la fatalité d’une image prédéterminée par l’intermédiaire mécanique. Sarah Moon, autre représentante d’une photographie explorant son champ plastique, présente au palais des Beaux-Arts de Lille ses derniers travaux, témoignant de cette manière «impressionniste» si caractéristique de son œuvre. Malheureusement l’exiguïté des espaces – parfois fort incongrus (la cafétéria) – qui lui sont alloués dessert l’œuvre, interdisant au spectateur de prendre le temps de la contemplation. Parmi les découvertes, citons Stefania Lemmi, exposée à l’Hospice Comtesse. Photographe italienne, elle présente quatre tableaux, mosaïques de petits autoportraits faits au travers du reflet de l’écran de télé, à dominante colorée bleue, blanche, rouge ou verte, illustrant autant d’états d’âme. Le plus abouti, certainement Le Vide, joue d’une répétition de motifs (le corps nu et longiligne, la sphère blanche) et d’un effacement progressif de l’image, par le vide et la surexposition, renforçant encore l’aspect résiduel de ces clichés. Si dans sa conception et sa mise en forme, ce festival de qualité témoigne encore d’un certain manque de maturité, il y sera certainement remédié par la nomination d’un commissaire dès la prochaine édition.
| Raphaëlle Stopin 12.06.2002 |
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