Mille ans de jardinsLe musée national du Moyen Age se penche sur les ancêtres de nos parcs et potagers. Une démarche qui fait suite à la création, l'an dernier, d'un espace vert inspiré des parterres de Charlemagne…
| Platearius, Le Livre des simples
médecines, anonyme, d'après
un modèle de Robinet Testart
vers 1520-1530, peinture sur
parchemin, 25,8 x 34 cm
© Bibliothèque nationale de
France |
Le musée de Cluny a choisi une ambiance intimiste pour présenter un vaste sujet : le jardin médiéval en Occident. Lumière tamisée, vitrines de petites dimensions, loupes pour découvrir les détails de certains manuscrits, tous ces éléments contribuent à la compréhension des œuvres exposées. Les quelque cent pièces évoquent les différents aspects du jardin, de sa conception utilitaire à sa valeur symbolique. Outre les tapisseries mille fleurs ornées de scènes galantes, le visiteur découvrel'ancêtre de l'arrosoir, le Chantepleure. Percé de trous, cet instrument du 15e siècle, laissait passer l'eau en «chantant et pleurant». On le retrouve d'ailleurs dans une tapisserie de Tournai, Couple sous un dai ou encore sur cet étui à couteau en cuir. Parmi les faucilles et les serpes servant à couper les banquettes de gazon, on découvre des coquilles de coques ou «Cardium edule» remplaçant le gravier dans certaines allées ou encore un bassin pour nourrir les oiseaux, trouvé en 1994 lors de fouilles dans les jardins du Palais des Papes à Avignon.
| Recueil de sermons, de
méditations et de traités
d'hagiographie,
Annonciation dans un
jardin clos
Colmar, 2nde moitié du XVe s.
H. 21,2 cm ; l. 15,5 cm
© Bibliothèque municipale de
Colmar |
La présence de nombreux incunables, présentant des miniatures d'une grande précision, constitue l'un des aspects les plus intéressants de cette exposition. Les illustrations apportent des éléments sur la place accordée aux jardins dans la vie quotidienne. Les Livres d'heures ne manquent pas de signaler les mois propices à la taille de la vigne ou à la construction d'un préau fleuri. Ainsi, le calendrier de l'un de ces ouvrages à l'usage de Coutances met en évidence une clôture en plessis, branchages entrelacés couramment utilisés à cette époque. Des livres plus techniques témoignent de l'importance accordée au jardinage. On apprend, par exemple, comment greffer des roses sur du houx pour en faire des cerises couleur azur dans un incunable de la fin du 15e siècle. Le duc d'Anjou rédige Le Mortifiement de vaine plaisance et Pierre de Crescent l'Opus ruralium commodorum. L'exposition ne pouvait passer outre le Roman de la Rose de Guillaume de Lorris et sa célèbre scène de L'Amant à l'entrée du verger de Déduit illustrant toutes les composantes du jardin médiéval : fontaine centrale, allées symétriques, banquettes de gazon, parterres de fleurs, treillis de roses et clôtures en bois.
Deux textes bibliques sont à l'origine de cette conception du jardin médiéval : La Genèse et le Cantique des cantiques. Adam et Eve au Paradis, la Vierge au Rosaire, le Christ jardinier devant Marie-Madeleine sont autant d'occasions d'imaginer les jardins clos de ces récits. Ainsi la gravure du Grand Hortus conclusus du maître E. S., vers 1450, représente un jardin céleste tandis que le retable en bois polychrome de Malines, Jardin clos au Calvaire, rassemble différentes scènes, du Buisson ardent à la Chasse à la Licorne. De grandes institutions ont contribué au montage de cette exposition : la Bibliothèque nationale de France avec des gravures de Schongauer, la British Library par le prêt du Roman de la Rose illustré par Engelbert de Nassau mais aussi le British Museum, le Metropolitan Museum of Art de New York et le Museum of Fine Arts de Boston. Pour les plus curieux, la visite trouve une suite logique à travers les salles du musée...
| Stéphanie Magalhaes 06.06.2002 |
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