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Expositions

Rauschenberg : mes années quatre-vingt-dix

Le musée Maillol accueille les dernières créations d'une figure marquante de l'École de New-York, qui continue d'expérimenter de nouvelles techniques.


Non-Negotiable Glut, 1992
Kodachrome sur polystratifié
104,1 x 71,1 x 16,5 cm
Collection de l'artiste
© New York, Whitney Museum
of American Art
Durant cinq mois, les salles de la fondation Dina Vierny exposent les œuvres de l’artiste américain, souvent perçu comme un «pont entre l’expressionnisme abstrait et le Pop Art». Né en 1925 au Texas, Robert Rauschenberg commence sa carrière artistisque à l’académie Julian de Paris, en 1948. L’année suivante, de retour en Caroline du Nord, il s’inscrit au Black Mountain College et suit les cours de Josef Albers. C’est dans ce même contexte qu’il rencontre le chorégraphe Merce Cunningham, les musicologues John Cage et David Tudor avec lesquels il expérimente son premier happening. C'est ensuite, dans les années cinquante, que Rauschenberg et Jasper Johns rendent visite à Marcel Duchamp. Ces deux derniers seront à l’origine de ses Combine-paintings, compositions associant la peinture à la sculpture. Le Monogramme (1955-59), montage d’une chèvre naturalisée et d’un pneu sur un support en bois, marque le commencement d’une nouvelle recherche consistant à œuvrer dans l’«intervalle entre l’art et la vie». De cette volonté de coller à l’actualité découle l’utilisation de photographies reportées et retravaillées dès 1958. Agé de soixante-dix ans, Robert Rauschenberg peut aujourd’hui se vanter d’avoir été l'objet de rétrospectives dans les plus grand musées internationaux. Pourtant, Paris manquait à l’appel !


City Rhyme (Serie Urban Bourbon), 1988
Acrylique sur aluminium poli et peint
123,8 x 184,8 cm
Collection de l’artiste
© Photo Geoffrey Clements
L’une des particularités de cette exposition est la présentation de la série Synapsis Shuffle (1999) dans la grande salle du sous-sol. L’impression d’espace est à son comble. Les douze panneaux présentés sont issus d’un ensemble de cinquante-deux éléments prévus pour être assemblés selon les règles du hasard. Ainsi, l’œuvre composée par Dina Vierny combine autour d’une toile vierge, des vues architecturales, des photographies de cordages et un mariage en calèche tandis que Gérard Garouste tire au sort une représentation de Don Quichotte et Sancho Pança ! En digne héritier de Marcel Duchamp, disparu des salles pour l’occasion, Robert Rauschenberg perpétue son exploration des ready-made dans des œuvres comme Nile Throne Glut (1993) ou Roar Pink Christmas Glut (1993) où antenne métallique, ressort rouillé et chaise compressée contribuent à donner une image personnelle du quotidien.

La notion de beauté, longtemps exclue de son œuvre, est réintroduite dans ses fresques. Icons (1996) présente une juxtaposition de photographies glanées tout au long de sa vie et assemblées de manière à illustrer des réalités urbaines du monde entier : un buste de statue grecque, un bidon métallique et des fragments de mosaïques. Sa série Borealis, au début des années 1990, illustrée ici par de nombreuses pièces, marque une étape dans sa recherche de la matière. Des supports métalliques, cuivre, aluminium ou laiton, brossés ou polis, constituent une nouvelle base pour son travail. Une calandre de voiture dans White Fence, un éléphant dans Raffish Tint, la Vénus de Botticelli dans City Melange ou encore un singe dans Stage Fright semblent transmettre des messages au spectateur. Si la série Night Shades met en évidence un monde noctune (Starter, 1991), Urban Bourbon utilise la couleur pour signifier les lumières de la ville. Toujours dans cette veine de l’expérimentation, ses dernières œuvres, W (2000) et DD (2000) de la série Apogamy Pods contrastent, par une place importante accordée au vide, avec les panneaux de Synapsis Shuffle.


 Stéphanie Magalhaes
07.06.2002