Spilliaert fait escale en Suisse

Vingt ans après Khnopff et Mellery, Spilliaert (1881-1946) se place en digne héritier du symbolisme belge par sa quête spirituelle et son interrogation sur la nature. Tout comme James Ensor, ses cahiers d’écolier étaient couverts de dessins. « Pour n’importe quel amateur d’art du tournant du siècle, le travail de Spilliaert fascine. Ne possédant aucune œuvre de l’artiste dans notre fonds permanent, nous avons contacté sept musées belges et douze collections privées. Les toiles présentées sont des pièces majeures à l’exemple de Vertige (1908) ou de Digue, reflets de lumière (1908) » explique Helen Bieri Thomson, commissaire de l’exposition. Cinq thèmes récurrents sont abordés : les marines, la femme, les intérieurs et natures mortes, les autoportraits et enfin les relations qu’il a entretenues avec la littérature de son époque.

Inscrit à l’académie de Bruges en 1899, le fils du parfumeur d’Ostende ne semble pas souscrire à ce type d’enseignement. Dès 1902, il est engagé comme vendeur par Edmond Deman, éditeur bruxellois qui l’introduira auprès d’un cercle restreint d’amateurs d’art. C’est également grâce à lui qu’il rencontrera Émile Verhaeren à Saint-Cloud en 1904. Malgré ses nombreux contacts sur la scène parisienne, Spilliaert reste pourtant inconnu du grand public. Jusqu’en 1916, il multiplie les voyages en France et les rencontres : Pablo Picasso, Max Jacob et Stefan Sweig qui lui acheta quatre œuvres en 1908.

Outre les paysages nocturnes et les natures mortes, la série d’autoportraits, ici illustrée par quatre exemples, est des plus frappantes. L’utilisation de lavis d’encre de Chine accentue les effets cauchemardesques dans l’Autoportait de 1907, tandis que le miroir se veut révélateur d’une dualité entre la réalité et la fiction dans l’Autoportrait au miroir de 1908. Parallèlement, ses natures mortes et scènes d’intérieur utilisent des objets du quotidien dans des mises en scène sorties tout droit de son imagination. « Intérieur - Salon de coiffure fait partie de cette série. Un sentiment d’étrangeté et d’attente habite cette scène où seuls des crochets et des vêtements suspendus semblent bénéficier de l’attention du peintre». L’accent mis sur les rapports entre Spilliaert et la littérature belge reste l’une des particularités de cette exposition. « Il s’agit d’une première mondiale. Nous connaissions l’existence d’illustrations du théâtre de Maeterlinck par l’artiste. Cela faisait plus de vingt ans qu’Anne Adriaens-Pannier, spécialiste de Spilliaert, cherchait ces trois volumes disparus. Redécouverts en la possession d’un collectionneur privé, les trois cent cinquante dessins accompagnant les textes sont donc présentés pour la première fois ».