Guimet s’ouvre à l’art contemporainLe musée national des Arts asiatiques inaugure son cycle estival, entre «Tradition et modernité», avec les œuvres de l’artiste chinois T’an Haywen.
| T'ang Haywen,
Hommage à Turner, la tempête apaisée
tech. mixte, diptyque sur carton, 1980
© Musée national des Arts asiatiques -
Guimet |
Désireux de faire un lien entre sa collection permanente et l’art de notre temps, le musée Guimet ouvre ses portes à un artiste contemporain. Encore peu connu, le travail de T’an Haywen (1927-1991) investit les nouvelles salles d’exposition pour une rétrospective d’une grande force picturale. Des cimaises blanches, des percées dans les paroies permettant un regard croisé sur les différents thèmes évoqués, une galerie courbe accuentuant l'effet de découverte des œuvres contribuent à une parfaite adéquation entre la muséographie et le contenu de l'exposition. Arrivé en France la même année que Zao Wou-Ki, en 1948, «l’Esprit de la Chine», comme le nommait Balthus, n’a pourtant pas bénéficié, de son vivant, de la même notoriété. Le parcours de l’exposition retrace le cheminement de cet artiste depuis sa découverte de la peinture occidentale jusqu’à l’abstraction. Sans renier ses racines orientales, il est parvenu à une synthèse très personnelle des deux cultures. Sa technique elle-même évolue au fil de son apprentissage. De l’Autoportrait au chat, huile sur toile, à ses petites aquarelles abstraites, l’artiste renoue progressivement avec un traitement plus fluide de la matière, caractéristique du travail à l’encre. De la même manière, T’an Haywen revisite les œuvres de Gauguin, Matisse et Turner dans des hommages associant des motifs des tableaux originaux à une interprétation personnelle. Ainsi, les Baigneuses de Cézanne s’animent dans un paysage lunaire et le Champ de blé au soleil couchant de Van Gogh prend des tonalités rouge flamboyant.
| T'ang Haywen, Montagne d'automne
encre, diptyque sur carton vers 1970
© Musée national des Arts asiatiques -
Guimet |
«C'est à l'individu, quelle que soit son origine, qu'il appartient de s'ouvrir le chemin vers les arts» (T'ang Haywen)
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Fidèle à la conception binaire du monde, T’an Haywen construit ses œuvres à partir de deux feuilles de papier juxtaposées. Les trente pièces constituant le thème de la nature représentent sa maturité artistique. Les différentes études d’arbres marquent un passage de la figuration de certains paysages à l’abstraction de la Forêt de Tai Shan (1975) où seuls les troncs ont suscité l’attention du peintre. L’encre est à présent sa principale technique et s’accorde au dicton chinois selon lequel on trouve «dans le noir et le blanc le siège des cinq couleurs». Entre la calligraphie et la peinture, ses diptyques d’herbes s’apparentent parfois à des rivages comme dans Paludes (1970) tandis que les montagnes semblent contenir tous ses états d’âme. Ne faut-il pas voir dans cette étude de vague une traduction en noir et blanc d’une œuvre d’Hokusaï ? La dernière partie de l’exposition explore le domaine du signe. Très fortement marqué par la philosophie taoïste, T’an Haywen accorde une attention particulière aux traits, aux lignes et aux espaces à l’image du Cercle du ciel (1978). À ce panneau sombre sur lequel apparaît un cercle noir s’oppose Yuanming : rond et lumineux (1970), autre cercle jeté sur deux feuilles vierges. Symboles du yin et du yang ? Jusque dans sa dernière œuvre Rêve de la petite Ximei, le peintre n’hésite pas à transcender le réel.
| Stéphanie Magalhaes 13.06.2002 |
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