Bellini ou Mantegna ?Les discussions interminables sur l’attribution à l’un ou l’autre maître rebondissent avec la vente d’un dessin à Venise.
| Pieta : Christ mort, Marie et une
femme sainte, plume et encre
sur papier blanc, 150 x 108 mm |
La Pietà, un dessin à la plume sur papier (150 x 108 mm), proposé par Semenzato lors de sa vente du 23 juin, est-il bien de Giovanni Bellini ? C’est en tout cas ainsi qu’il est présenté dans le bref article du catalogue, par Lino Moretti. Autrefois dans l’importante collection vénitienne Sagredo, il a appartenu à des amateurs lyonnais jusqu’en1978 avant de passer chez les marchands londoniens Hazlitt, Gooden & Fox. Estimé aux alentours de 500 000 euros, en excellent état, le dessin ne menacera pas les records récents de Léonard, Michel-Ange, voire Lorenzo di Credi (à Paris), mais il permet de rouvrir un intéressant débat. On sait que Giovanni Bellini (vers 1430-1516) et Andrea Mantegna (1431-1506) étaient parents par alliance, le second ayant épousé la sœur du premier, Nicolosia. Les doutes sur la paternité des tableaux sont aujourd’hui largement levés mais on est encore en terrain mal assuré en ce qui concerne les dessins. Le mouvement initié au siècle dernier par Giovanni Morelli, qui a donné à Bellini de nombreux dessins contestés, a été compensé, en un jeu de balancier, par les analyses de Giles Robertson ou Giovanna Nepi Scirè. Cette dernière a très récemment redonné à Mantegna la célèbre Pietà de la galerie de l’Accademia à Venise, tandis que Roger Rearick soutient la thèse adverse. Dans le dessin d’aujourd’hui, où la Vierge embrasse étroitement son fils mort, le trait « atmosphérique », vif, et les approximations anatomiques (dans les proportions des membres et des articulations, notamment dans le bras de la sainte femme), feraient à priori pencher pour Bellini. Si, comme cela se murmure, l’État italien se portait acquéreur de cette Pietà pour l’exposer à côté de celle de Venise, les spécialistes auraient une occasion en or pour faire avancer la recherche.
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