Construire, disent-ilsDepuis quelques décennies, les chefs d’Etat français semblent avoir retrouvé, en matière architecturale, le tonus du préfet Haussmann.
Président bâtisseur ? A priori, le mot s’applique d’abord à François Mitterrand, à qui l’on a souvent reproché de se comporter en prince de la Renaissance. Le Grand Louvre avec sa pyramide, le nouveau ministère des Finances, la Cité des Sciences, la TGB… L’ouvrage de Georges Poisson étudie en profondeur tous ces chantiers et les mécanismes de la commande publique. Il a aussi le mérite de sortir de l’oubli des présidents, qui sans être aussi acharnés à laisser une postérité dans la pierre, ont cependant pesé sur la physionomie de Paris. De Gaulle a été, curieusement, le moins actif même si l’on doit mettre à son passif l’enchaînement fatal qui a porté à la démolition des Halles de Baltard. « Dieu, que c’est laid » : l’auteur rappelle le mot de René Barjavel à l’inauguration du Centre Pompidou le 2 janvier 1977. Le successeur de de Gaulle aura aussi à cœur de rénover le palais de l’Élysée en y faisant travailler des créateurs contemporains comme Pierre Paulin.
Et Chirac ?
Les deux premiers présidents de la Cinquième République sont éclipsés par leurs successeurs. Valéry Giscard d’Estaing a eu la mauvaise idée de donner le coup d’envoi de projets qui seront en fait achevés sous le septennat suivant comme l’Institut du monde arabe ou le musée d’Orsay. Il en va de même pour la Villette, qui a permis d’entériner la technique de sélection : un jury établit un premier florilège et le président, en un geste d’inspiration monarchique, dispose… Le chapitre consacré à François Mitterrand est évidemment le plus fourni avec, en exergue, une citation prémonitoire, tirée de La Paille et le Grain : «Dans toute ville, je me sens empereur ou architecte, je tranche, je décide et j’arbitre». L’Arche de la Défense et les avertissements ignorés du grand Philip Johnson, les doutes sur l’Opéra-Bastille («C’est le projet sur lequel j’ai le plus hésité» dira Mitterrand), mais aussi la dorure des Invalides. Ou encore la campagne, plutôt décevante, de commande de statues. Entre tous, l’auteur rappelle le Rimbaud fondu par Ipousteguy, que le sculpteur basque munit d’un calembour de potache : «L’homme aux semelles devant». Jacques Chirac, qui clôture l’ouvrage, fait pâle figure. Il n’a guère à son actif que le musée du quai Branly. Il lui reste un quinquennat pour se rattraper…
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