La fin des enchères en ligne ?A l’exception du géant américain eBay, les sites d’enchères sur internet, dans le domaine des arts plastiques, connaissent une déconfiture cuisante. Dernière victime, il y a quelques jours : eAuctionRoom.
Sotheby’s, qui avait engagé une politique coûteuse, sans jamais arriver à sa conclusion, la vente en temps réel, a préféré faire marche arrière en janvier 2002 en concluant une joint-venture avec eBay, qui en a le contrôle opérationnel. Alors qu’Alfred Taubman, le principal actionnaire de Sotheby’s, vient d’annoncer son intention de se séparer de ses parts, le nom d’eBay et son patron, Pierre Omidyar, revient avec insistance, comme pour symboliser la réussite insolente de l’ancienne start-up californienne, première capitalisation mondiale des entreprises internet. En France, le cas de N@rt était jusqu’à présent emblématique. La société avait levé plus de 70 millions de francs pour créer un site de ventes en ligne et postulait pour une cotation sur le Nouveau Marché de Paris, voire sur le Nasdaq. Ses ambitions étaient prématurées : à l’époque le marché des ventes volontaires n’avait pas encore été libéralisé en France et la société n’a jamais été autorisée à mener les ventes qu’elle projetait. Après s’être diversifié dans la presse papier, avec l’acquisition du Journal des Arts et de L’Œil, N@rt a été mis en liquidation judiciaire en septembre 2001. Le feuilleton a récemment connu une issue partielle avec le rachat par un investisseur - Jean-Christophe Castelain - des deux titres.
Maigres commissions
Le secteur compte aujourd’hui une nouvelle victime : eAuctionRoom a été placé en liquidation judiciaire au début du mois. Créée en 1999, avec l’entrée au capital de la Compagnie financière Edmond de Rothschild, des fonds Innovacom, iMédiation et Euris, la société tirait l’essentiel de son revenu des ventes industrielles. La présence dans son conseil d’administration de Lord Poltimore, ancien vice-président de Christie’s Europe, se voulait un message «fort». Parmi les quatre cents ventes retransmises depuis février 2000, l’une des plus importantes, menée avec le commissaire-priseur anglais Henry Butcher, a concerné les dix-sept mille lots du Millennium Dome en février 2001 et a vu intervenir vingt-cinq mille internautes. Mais la fragilité de la rémunération (une commission comprise entre 0,5 et 1% du prix de vente, bien inférieure à celle que prélèvent les maisons «en dur») avait poussé eAuctionRoom à déposer, le 12 octobre 2001, une demande d’agrément auprès du Conseil des Ventes.
La faute au Conseil des Ventes ?
N’ayant pas trouvé le partenaire qui lui convenait, la société avait décidé de créer sa propre structure de vente. Le précédent de N@rt, même si son fondateur, Antoine Beaussant, siège au Conseil des Ventes, n’a pas dû encourager les sages à donner leur agrément à une entreprise de la nouvelle économie. «Nous avons montré nos capacités, nous expliquait alors Frédéric Thut. Nous sommes déjà des apporteurs d’objets auprès des commissaires-priseurs. Ainsi, pour la vente Gros-Delettrez du 23 novembre 2001, notre apport a représenté 80% des lots. Dans celle du 12 décembre 2001, environ 30% dont le tableau de Delacroix». Frédéric Thut annonçait avoir réuni autour de lui quatre charges parisiennes et de province, pour constituer un petit groupe qui aurait vendu dans sa propre salle, avenue Matignon, au rythme de deux ou trois vacations mensuelles. Le refus d’agrément de la part du Conseil des Ventes a catalysé une situation déjà précaire. La direction, que nous avons contacté, n’a pas souhaité émettre de commentaire. La nouvelle économie n’en finit décidément pas de panser ses plaies…
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